Ils ont été effacés, mettons-les en lumière

Valérie

Dentiste (Paris)

« Je suis épuisée, je pense que mes nerfs ont lâché après ma suspension et qu’il va me falloir du temps pour récupérer.  »

Valérie, 54, divorcée avec 3 enfants, exerce depuis 6 ans en tant que dentiste salariée dans différents centres de soins à Paris. Elle a été auparavant en libéral dans son propre cabinet pendant 25 ans.

Depuis deux ans, je travaillais dans un agréable centre de soins, avec des patients et du personnel sympathiques mais où il y avait déjà des conditions de travail difficiles dues à une rémunération au pourcentage aléatoire et rognée au moindre souci. Autant dire que la situation était déjà compliquée quand sont arrivés le virus et le premier confinement.

Les cabinets ont fermé mais nous assurions des gardes téléphoniques, et comme tous mes patients ont mon numéro de portable je gérais en rassurant les inquiets, et en envoyant des ordonnances après des visio-consultations.

En parallèle je cousais des masques, des surblouses, des coiffes pour le centre et pour des confrères libéraux. Je n’avais plus aucune migraine. J’ai adoré cette parenthèse de calme et de solidarité.

Le retour au travail fut en revanche très compliqué car il a fallu faire face à un nombre accru de patients, gérer des listes, intercaler les urgences, rassurer et mentir aussi en disant que les soins pouvaient attendre, mais que faire d’autre ? Nous travaillions avec blouse, surblouses, surchaussures, surpantalons, masques FFP2, visières. C’était insupportable. L’été nous suffoquions, l’hiver nous gelions car il fallait aérer entre les patients.

Les assistantes ont commencé à manquer sans arrêt pour diverses raisons et il y eu des pénuries de matériel.
J’avais l’impression de ne jamais rattraper le retard lié au premier confinement. Profitant du télétravail, les patients sont venus encore davantage. Je ne craignais pas le Covid, je suis en très bonne santé (mises à part les migraines revenues) et je n’ai jamais eu d’arrêt maladie.

Les confrères médecins incitaient à se faire vacciner. Et j’ai commencé à entendre parler de complications parfois très graves. Trois amis ont perdu des proches après l’injection. Je ne voulais pas me faire vacciner. Le discours d’Emmanuel Macron du 12 juillet 2021 m’a assommée. Même si la plupart de mes proches partageaient mes idées sur la crise et le vaccin, il y a eu des discussions pénibles et clivantes qui m’ont peinée.

Beaucoup de mes confrères ou collègues se sont faits vacciner contraints et forcés. J’ai refusé et je me suis laissée suspendre par conviction mais aussi pour faire une pause et réfléchir sur l’orientation de la dernière partie de ma vie. Cet arrêt est difficile car je n’ai plus aucune rentrée d’argent, et je suis seule à faire vivre mon foyer, mais il est salutaire.
Je suis épuisée, je pense que mes nerfs ont lâché après ma suspension et qu’il va me falloir du temps pour récupérer. Je ne sais pas si je vais pouvoir reprendre les soins, je panique à cette idée, moi qui ai eu la vocation d’être dentiste dès l’âge de 4 ans.

Je vais tenter une reconversion professionnelle dans la couture mais c’est difficile de se lancer sans la moindre aide extérieure. J’ai du mal à envisager l’avenir sereinement.