Mylène
Psychologue (Hautes Alpes)
« C’est surtout la peur du manque qui est le plus difficile à vivre lorsqu’on a des enfants. »
Mylène a 44 ans, elle vit seule avec ses deux très jeunes enfants. Depuis 16 ans elle exerce dans le même hôpital, où elle a enchaîné 6 CDD en 5 ans avant d’obtenir un CDI. Elle a été suspendue le 15 septembre 2021. Ayant contracté le Covid en février 2022, elle a pu reprendre son travail temporairement.
Mon hôpital est vieux et vétuste. Cela fait 16 ans qu’on nous parle d’un nouvel hôpital, mais je n’y ai jamais cru. Il n’est pas question de rénover et l’hôpital est endetté, il faut faire des économies, il y a donc très peu d’investissements. Le matériel en panne n’est pas remplacé. L’ancien directeur avait été horrifié par les conditions d’accueil de nos patients. Il en a profité pour fermer 30 lits en 2020. Ce n’est qu’un début, il n’y a pas d’argent magique !
Les salaires stagnent, mais l’hôpital a quand même pu rémunérer 2 psychologues, car lorsque j’ai réintégré mon poste en février 2022, j’ai appris que j’avais été remplacée.
Lorsque la crise est arrivée, j’ai tout de suite compris que l’hôpital, qui fonctionne en mode dégradé depuis des années par manque de personnel, ne serait pas capable de gérer un afflux de malades.
J’ai été réquisitionnée lors de la première vague. Pour une fois, tout le pays s’intéressait à nous, les soignants. Les patients vivaient difficilement l’absence de visite et le confinement en chambre. Les angoisses de mort et les premiers signes de souffrance psychique liés à la peur du virus apparaissaient.
Cela fait quatre mois que je suis suspendue. Je me retrouve dans la précarité alors que j’étais cadre. J’ai dû faire face à mes blessures : rejet, trahison, injustice, humiliation. C’est surtout la peur du manque qui est le plus difficile à vivre lorsqu’on a des enfants. Nous, soignants, n’avons pas l’habitude de demander de l’aide.
Plusieurs collectifs de soignants et de citoyens m’ont aidée, par leur présence, leur soutien, leurs conseils. J’ai reçu des paniers alimentaires, des aides financières, des jouets pour le Noël de mes enfants. J’ai participé gratuitement à des ateliers : cuisine, sophrologie, clown, art-thérapie. Je n’aurais pas pu supporter ma situation en étant isolée. Depuis 4 mois j’ai rencontré de belles personnes. Suspendue, et après ? Je sais qu’un monde plus juste et solidaire est possible.
Lorsque le Président a annoncé l’obligation vaccinale des soignants, des pompiers, des gendarmes et des salariés du Médico-Social, je me suis posé trois questions :
– Est-ce sûr ?
– Est-ce que ça marche ?
– Est-ce que j’en ai besoin ?
La réponse est non à toutes ces questions. Je refuse de prendre des risques pour ma santé avec un produit expérimental en phase de test. J’ai deux enfants en bas âge, qui ont besoin de moi. La vaccination sera un jour demandée aux enfants de moins de 11 ans. Si j’accepte cette injection, je ne me sentirai pas légitime de la refuser pour mes enfants.
La question du consentement est au cœur de mon métier de psychologue, de mes valeurs et de mon éthique.