Margaux
Pompier (Hautes-Alpes)
« Faire le deuil d’une profession c’est difficile quand c’était un rêve d’enfant, une vocation. »
En tant que pompier j’ai été suspendue le 17 septembre 2021, comme mon compagnon, qui lui avait 23 ans de service. Et pour mon métier d’auxiliaire de vie, même si mon employeur n’a exigé aucun justificatif j’ai dû l’arrêter également, suite à la loi du 5 août 2021, de peur des amendes ou des sanctions possibles en cas de contrôle de mon statut vaccinal.
Tout s’arrête en fait, du jour au lendemain.
Chez les pompiers, la pression a commencé début juillet 2021, avec des courriers, et s’est poursuivie tout le mois d’août, jusqu’à la mi-septembre où nous avons reçu notre arrêté de suspension. Je me suis tout de suite engagée dans un collectif local et ensuite dans un collectif de pompiers sur notre département. Puis j’ai rejoint les Collectifs Unis, qui regroupaient des soignants, des citoyens, des parents… on s’est tous rassemblés afin de se serrer les coudes dans cette période assez difficile où l’on n’était pas entendus, malgré les manifestations. Cela nous a aussi permis de nous organiser, de créer des collectes alimentaires, de nous entraider. Je ne pensais pas vivre une telle expérience de fraternité entre les différents collectifs, ni de partager tant d’évènements communs comme aujourd’hui, où l’on essaie d’alerter sur la situation des soignants suspendus et pas seulement, sur la cause des enfants aussi et l’impact de toutes ces mesures sur eux.
Quand tout commence en mars 2020, j’interviens sur le département des Hautes-Alpes. Face à ce virus c’est un peu l’inconnu, mais voilà, pendant les périodes de confinement, dans notre petit centre de secours où l’on fait d’ordinaire une centaine d’interventions par an, on n’a pas eu de hausse d’activité liée à cette « pandémie »… Par rapport à tout ce qu’on entendait dans les médias, un vrai décalage !
En fait c’est plutôt à partir de l’été 2021, en pleine période de vaccination, qu’il y a eu une hausse d’interventions pour des suspicions ou des cas avérés d’AVC. En temps normal, sur notre secteur il y en avait un, voire deux dans l’année au maximum, ou même pas du tout. Et là, simplement sur une saison d’été il y en a eu huit ! Et quand on l’a signalé à notre hiérarchie ils ont balayé ça d’un revers de main et évoqué la fréquentation touristique estivale… mais les chiffres n’étaient pas ceux-là les années précédentes !
Une omerta s’est installée. Interdit d’en parler. On se pose des questions pourtant, il y a peut-être un lien de causalité ? Quelque chose ne va pas, ce n’est pas normal. Cela nous a alarmés. Début 2021, mon compagnon et moi-même avions déjà refusé de prêter main forte aux centres de vaccination, estimant que c’était au médecin traitant de remplir ce rôle au cas par cas, selon ses patients et leurs antécédents, que lui seul connaît. Pour ce qui nous concerne, j’ai vraiment eu le sentiment d’une prise d’otages de la part de notre institution en vue de nous contraindre à participer à tout ça.
Je ne suis pourtant pas contre le principe de la vaccination. En tant que sapeur-pompier et travailleuse du secteur médico-social à domicile, j’ai toujours eu mon carnet de vaccinations à jour. Mais là j’ai vraiment senti que quelque chose n’allait pas. Les paroles contradictoires du gouvernement, le trouble semé dans l’esprit des gens, la peur aussi, la manipulation, le mensonge, tout cela ne m’a pas inspiré confiance. Quelque chose me disait d’attendre, de prendre le temps de me renseigner, mais au fur et à mesure, on ne nous a plus laissé le choix. C’est terrible. Certains de nos collègues se sont vaccinés par contrainte, parce qu’ils devaient nourrir leur famille, payer leurs charges, et qu’ils n’ont pas trouvé d’autre solutions. D’autres, des soignants dont j’ai entendu parler, mais aussi des pompiers, ont mis fin à leurs jours et certains aussi y ont fortement songé.
Les soignants qui vont soigner sans moyens au début puis qu’on oblige à se vacciner. Les déclarations du gouvernement, assurant qu’« on ne rendra pas la vaccination obligatoire », puis nous mettant le couteau sur la gorge… ça paraissait impensable ! Et aujourd’hui cela fait un an, et on en est toujours là !
Une partie de nos collègues et de notre hiérarchie ont accepté de nous écouter, mais ils ne nous ont pas entendus. Ils se sont justifiés en s’abritant derrière la loi pour ne pas se positionner. Ça a été très violent de se sentir ainsi méprisés et incompris, pour avoir juste exercé notre libre arbitre et refusé de donner notre consentement libre et éclairé à une injection expérimentale sur laquelle nous n’avions encore aucun recul.
Du côté de la société, La bonne conscience a primé, puis l’oubli…
Lors de l’action Marius Jacob, où plusieurs pompiers et soignants ont témoigné que nous étions toujours suspendus, beaucoup de personnes n’étaient pas au courant que cette situation perdurait. Moi, dans ma famille, quand il y a eu la levée du PASS sanitaire certains espéraient que nous serions rapidement réintégrés. J’ai dû leur expliquer que tant que la loi du 5 août 2021 n’était pas abrogée il n’y aurait pas de réintégration possible. Ils semblaient découvrir les choses ; les gens ne sont pas au courant de ce qu’il se passe, ni des lois votées dans leur propre pays, totalement liberticides.
Aujourd’hui je travaille à ma reconversion. Après avoir traversé une période très compliquée, avec seulement 400 € mensuels d’Allocation de Retour à l’Emploi, et m’être beaucoup investie dans les collectifs pour les structurer, les mobiliser et les aider à communiquer (période durant laquelle nous avons dû vivre sur les revenus de mon compagnon), j’ai retrouvé un travail saisonnier en tant que serveuse dans l’hôtellerie-restauration à la saison (été-hiver). J’ai une passion que m’a transmise mon grand-père, la compréhension de son héritage familial à travers les recherches archivistiques, des parcours de vie dans la grande Histoire.
Mon grand-père était résistant et pompier de Paris en 39-45 et il m’a transmis beaucoup de choses, beaucoup de valeurs. Comme lui j’ai dit non, j’ai dit stop et je résiste. Je pense qu’il y a beaucoup de parallèles entre son époque et la nôtre. Cela m’a apporté beaucoup de faire des recherches généalogiques sur ma famille, et je sens que de nombreuses personnes autour de moi apprécieraient d’en savoir plus sur leur histoire familiale, afin de mieux se connaître elles-mêmes. Accompagner ces personnes en quête de sens dans leur vie est une façon pour moi de prolonger nos héritages et les transmissions de nos ancêtres pour comprendre ce qui nous amène à prendre position aujourd’hui.
J’ai le projet de créer une association et un site de généalogie familiale et afin de proposer des ateliers de découverte en présentiel ainsi qu’à distance. J’ai déjà un petit réseau autour de moi, que cela intéresse. Essayer de penser autrement sa vie et de faire aussi, peut-être, le deuil d’une profession, d’une activité. C’est difficile quand c’est quelque chose qui nous passionne et que c’était un rêve d’enfant, une vocation.
J’ai également le projet d’écrire un livre sur cette période, mon vécu de suspendu, les raisons qui m’ont amenée à être pompier, à faire le choix d’une activité professionnelle et d’engagement volontaire envers l’humain et le lien que j’avais avec mon grand-père, ce qu’il m’a transmis de son vivant et après son décès.
Cette période particulière nous a finalement permis de nous relier les uns aux autres, entre ceux qui partagent les mêmes valeurs. On s’est reconnecté à l’humain.
Témoignage recueilli en septembre 2022