Livia
Infirmière (Rhône)
« Les gens ont été sidérés et tellement malmenés qu’ils ont perdu la capacité de donner du sens à ce qui arrivait. »
Livia a 41 ans, elle vit seule avec ses deux enfants de 5 et 11 ans. Elle travaillait en hôpital de jour en service psychiatrique et suivait 80 patients. En exercice pendant 15 ans, elle est suspendue depuis le 15 septembre 2021.
Face au chaos, J’ai tout de suite ressenti l’arbitraire des injonctions paradoxales des autorités. Tout et son contraire, très tôt. J’ai compris qu’ils ne savaient pas plus que moi de quoi ils parlaient. Nous avons donc fait ce que nous pensions être bien pour nos patients et nos familles, et plus que de se préserver du virus il fallait surtout se préserver de la folie extérieure.
Avant 2020, les patients venaient au centre de soins tous les jours, ou au minimum 3 fois par semaine, et pouvaient conserver leur autonomie en grande partie grâce à notre accompagnement. Pendant le confinement, aucun d’entre eux n’a été abandonné, chacun était appelé plusieurs fois par jour si besoin. Tout au long de la crise, nous étions le liant entre ces patients et la société anxiogène.
Nous vivions aussi la crise avec nos familles, nos propres peurs, mais face aux patients nous étions seuls, sans aucune information ni consigne. Nous devions trouver les mots pour les rassurer, leur permettre de comprendre ce qu’il se passait, ils avaient absolument besoin de réponses.
Les jeunes adultes ont été les victimes les plus précoces des restrictions les plus fortes. J’étais très en colère pour eux. On a brisé leurs rêves, leur dynamique, leur capacité à se projeter dans l’avenir. Ils ont été les premières cibles des mesures sanitaires et du confinement, afin qu’ils se jettent ensuite sur le vaccin dès qu’ils le pourraient, pour reprendre leur vie d’avant.
En tant que soignant, de par ma formation et ma compréhension du système de santé j’ai un regard éclairé qui m’amène à une analyse critique de la crise. Notre rôle de soignant est d’être dans l’anticipation, il est d’abord de prévenir la maladie. J’ai longtemps attendu que le gouvernement s’exprime pour expliquer ce qu’il comptait faire en matière de prévention, parallèlement au vaccin. Il est incohérent qu’un vaccin de technologie nouvelle, développé dans l’urgence, puisse être la seule solution crédible. Avec le temps, je me suis rendue compte de son inefficacité intrinsèque. Et puis mon questionnement personnel m’a poussée à me poser la question de l’acceptation d’un produit qu’on tente de nous inoculer de force.
En tant que thérapeute en psychiatrie, je pense que les gens ont été sidérés et tellement malmenés qu’ils ont perdu la capacité de donner du sens à ce qui arrivait. Ils ont choisi de suivre le groupe car ils n’avaient plus leur libre arbitre. C’est une réaction parfaitement connue en psychologie. L’homme est fondamentalement humain, mais il peut perdre totalement le contrôle de ses émotions quand il est confronté à ses peurs.
Mes collègues m’ont beaucoup soutenue en privé, mais aucun n’a exprimé son point de vue en public, face au groupe. Le jour de mon entretien, mon chef de service, habituellement d’une humanité irréprochable dans son travail, a été d’une brutalité inouïe. J’ai été suspendue sans aucune empathie et sans aucun remerciement pour les années de collaboration et la qualité du travail effectué au service de nos patients : « Il faut signer votre document de suspension, vous comprendrez qu’il ne peut pas y avoir de place pour l’émotion… » Il était en état de choc aussi, déshumanisé !
D’autres réactions de mes amis ont aussi été très brutales : « Tu es une terroriste car tu n’es pas vaccinée » – « Tu n’as pas le droit d’avoir ce point de vue là en tant que soignante. »
J’ai été aux Prud’hommes à titre individuel, seule, sans avocat. Le jour de l’audition, un avocat avait été nommé avant l’audience pour représenter la partie adverse. J’étais parmi les premiers à intenter une action aux Prud’hommes et le jugement aurait pu faire jurisprudence. L’avocat a dit plusieurs fois aux juges que seule la juridiction Prud’hommale était à même de prendre position. Mais le conseil des Prud’hommes s’est déclaré incompétent et nous a renvoyés à une négociation. Sachant qu’il n’y avait aucun moyen de négocier avec l’administration, j’ai abandonné ce combat afin de conserver mon énergie pour l’essentiel.
En revanche, lors de ma convocation devant l’ordre des infirmiers, j’ai été confrontée à trois jeunes d’à peine plus de 20 ans qui n’ont eu aucune espèce d’empathie, m’ont traitée comme si j’étais une antivax radicale, dans le seul but de me culpabiliser pour me pousser à la vaccination. Finalement il n’y a pas eu de vrai débat, chacun restant sur ses croyances.
Aujourd’hui des vaccinés veulent pousser les non-vaccinés à rentrer dans le rang, alors qu’eux-mêmes étaient opposés à ce vaccin avant. Certains ont désormais une forme de rancune, de refus d’accepter l’idée d’avoir pu faire le mauvais choix, d’avoir fait un choix irréversible que nous n’avons pas fait.
Aujourd’hui, pour vivre, je n’ai que 400 € de CAF par mois et l’aide de mes amis. Je m’oriente désormais vers une activité en entreprise individuelle, en énergétique, tournée vers le bien-être des femmes notamment.
Malgré tout, je dirais en conclusion que même si nous ne sommes plus libres, j’ai encore espoir en l’humanité.