Laurence
Aide-soignante (Vosges)
« En aucun cas je ne subirai un vaccin expérimental pour pouvoir travailler. »
Laurence a 54 ans, elle est mariée et mère de deux enfants majeurs. Sortie major de sa promo de l’école d’aide-soignante en 1993, elle est suspendue le 5 octobre 2021 de l’hôpital, après 35 ans d’activité dans le même établissement.
Mon métier c’est ma vie. Le contact humain, le bien-être du patient, ça me manque, c’est ma vie.
J’ai travaillé les deux dernières années dans un service Covid. Pour la première vague nous n’étions pas du tout prêts. Rien n’avait été anticipé alors qu’on savait depuis octobre 2019 qu’il y avait des cas Covid parmi les sportifs revenant des JO. On aurait déjà dû préparer tout le matériel qu’il fallait pour les hôpitaux, mais on a attendu février 2020 d’avoir des cas Covid.
On a fait des heures à foison, on était corps et âme au travail. Les protocoles n’arrêtaient pas de changer, un jour c’était d’une façon, puis le lendemain c’était autre chose. On ne voyait plus les cadres des services de direction, ils ne venaient jamais dans les services Covid. On travaillait avec ce qu’on avait, les blouses ce n’était pas des blouses, c’était des sacs poubelles ! On n’avait pas de masques FFP2, on n’avait que des masques chirurgicaux alors qu’on était à 30 cm des patients pour leur donner à manger, leur brosser les dents, pendant leurs soins.
On a eu beaucoup de décès. Tout patient mort dans le service Covid partait avec le logo Covid, dans des housses blanches. Les familles n’avaient pas le droit de les accompagner, on avait le camion frigo, on se serait cru en temps de guerre, ce n’est pas du tout humain ce qu’on a fait, pas du tout… Je rentrais le soir et je pleurais. Les housses blanches j’en fait encore des cauchemars…
Le pire, c’est que même si on avait le Covid on devait aller travailler si on était asymptomatique ! Même sans le vouloir, même en respectant les consignes, on contaminait tout le monde. Nous n’avons pas été épargnées, on a quasiment toutes eu le Covid dans le service.
Moi, je l’ai attrapé le 14 avril 2020. J’ai été arrêtée trois semaines, couchée, impossible de me lever, température 39 à 40° pendant 10 jours, infection pulmonaire, et même pas reconnue en maladie professionnelle car je n’ai pas été hospitalisée sous oxygène. Et on m’a dit : « Rien ne prouve que vous l’avez attrapé dans l’établissement ».
Je n’ai pas voulu être hospitalisée, j’ai préféré rester entourée de mes proches et j’ai réussi à les protéger. Ça a été une période très, très difficile, je dormais plus de 22 h par jour. J’avais dit au revoir à mon mari et mes enfants, mais je ne me souviens de rien, c’est eux qui me l’ont dit après. J’ai été soignée, mon médecin appelait mon mari tous les jours pour savoir si je n’avais pas les doigts et les lèvres bleues. Je crachais du pus, j’avais une infection pulmonaire phénoménale. A ce jour je n’ai toujours pas récupéré une respiration normale, je m’essouffle encore très facilement.
Je suis retournée travailler au bout d’un mois. Avec 30 patients Covid le service était saturé, mais toujours sans matériel, des moments d’horreur… Comme les autres services étaient fermés et vu le nombre de malades dans notre service, tout le monde venait mettre la main à la pâte, les kinés, les ergothérapeutes… Il y a eu une entraide phénoménale, mais pour le matériel on ne pouvait rien attendre de l’hôpital. Après la première vague, les entreprises locales sont venues nous donner des combinaisons chez l’une, chez l’autre. Je les en remercie.
Les deux années de Covid ont été des années de frustrations et de grande souffrance pour le personnel, ce sont vraiment les pires années de ma carrière. Et aujourd’hui aucune reconnaissance par rapport à ça. On nous a applaudis, on était les héros et maintenant on est traités de criminels !
Le 4 décembre 2020, le chef de l’État a dit qu’il s’opposerait à toute vaccination obligatoire, et puis le vent a tourné, le vaccin est devenu obligatoire. On nous empêche d’aller à l’hôpital, il faut un pass ou un test. On va en arriver comme aux Etats-Unis, la médecine des riches et la médecine des pauvres. Je ne suis pas anti vaccin, mais je suis contre le pass vaccinal.
Le 14 août 2021, nous avons eu une note de service indiquant le protocole à suivre pour l’obligation vaccinale. Le 15 septembre il fallait déjà que l’on ait une dose et la deuxième dans les trois semaines suivantes. Je suis allée voir ma cadre pour lui dire qu’en aucun cas je ne me ferai vacciner. Je l’ai fait savoir dès le début, et à mes collègues aussi.
Le médecin a essayé de parlementer avec moi en me disant que le vaccin était sûr, mais il est en phase d’expérimentation jusqu’en 2023 ! Ce vaccin est sorti bien trop rapidement, on n’a pas assez de recul, on ne connaît pas les réactions de notre corps dans quelques années. Et c’est quand même le seul vaccin pour lequel on vous fait rester assis 15 mn pour voir s’il n’y a pas une réaction. Jamais on n’a fait ça pour un autre vaccin. J’ai vu des effets secondaires, certaines collègues n’ont plus leurs règles alors qu’elles n’avaient pas de problèmes, d’autres ont eu le Covid après la deuxième dose, et certaines ont même développé un Covid long. Bravo l’avantage du vaccin !
Un vaccin, normalement, c’est une dose, mais là certaines personnes en sont déjà à 3, voire 4 doses. Pour moi, avec autant de doses en si peu de temps c’est une thérapie, on ne peut pas appeler ça un vaccin.
Et puis j’ai des anticorps, la prise de sang l’a confirmé, mais j’aurais quand même dû me soumettre à l’obligation vaccinale ? Est-ce que nous sommes plus dangereux non vaccinés testés régulièrement que vaccinés non testés ? Où est le danger ? Nous avons toutes eu le Covid, nous avons toutes des anticorps. Pendant un an et demi j’ai continué à travailler dans un service Covid, je ne l’ai pas attrapé une seconde fois parce que j’avais des anticorps, contrairement à des collègues qui avaient eu le Covid, qui ont eu une dose et qui l’ont attrapé une seconde fois.
Non, il est hors de question que je me fasse injecter un truc qui a été fait en six mois. Je suis libre de mon corps, c’est une atteinte à ma liberté, donc je ne ferai pas vacciner, je ne changerai pas d’avis. Les collègues se sont fait vacciner à cause de la pression, de la hiérarchie, la peur de perdre son travail, de ne plus avoir de salaire. Pas facile lorsqu’on a des enfants… Moi, malgré toute la pression je n’ai pas cédé et je ne cèderai pas.
Résultat : suspendue ! 35 ans de ma vie qui sont partis avec une feuille envoyée en recommandé, signée par ma direction ! Je ne pensais pas qu’ils iraient jusque-là. J’ai refusé d’aller signer ma suspension car je n’avais pas le Pass sanitaire nécessaire pour entrer dans l’établissement hospitalier. On me l’a envoyé en recommandé. Je l’ai toujours, je ne l’ai pas signé.
Certaines de mes collègues me disent que c’est dommage de partir comme ça, au bout de 35 ans de carrière. J’en suis consciente, j’aime mon métier, les patients, les collègues, tout ça me manque, mais en aucun cas je ne subirai un vaccin expérimental pour pouvoir travailler. On m’a dit : « Tu ne vas pas te laisser suspendre pour une piqûre ». Sauf que cette piqûre, on ne sait pas ce qu’il y a dedans…
Je ne demande qu’à travailler, mais c’est la loi qui me l’interdit. Je suis suspendue, j’en paye les pots cassés, je n’ai plus de salaire, je n’ai plus de travail, je n’ai plus rien ! En plus, tous les mois je reçois une paye négative ! Je dois plus de 50 €/mois au trésor public, un comble !
Heureusement j’ai un mari qui me soutient, qui me comprend, mais je vis à son crochet et je ravale ma fierté, moi qui suis une femme indépendante. J’ai encore 4 ans avant la retraite, en aucun cas je ne démissionnerai.
J’ai été traitée de criminelle ! On m’a dit que je ne méritais plus mon travail, que j’étais une criminelle parce que j’allais contaminer les patients, alors que le Covid je l’ai eu parce que ce sont les patients qui me l’ont transmis. Certains ont compris ma position, d’autres pas. Mes convictions ont été critiquées, on m’a dit que je faisais partie d’une secte et j’en passe… Mais le terme de criminelle ça m’a fait très mal, ça été très violent, surtout venant de personnes que j’estimais beaucoup. C’est là qu’on voit les vrais amis.
Je reste positive mais j’ai peur pour tous ceux qui se sont fait vacciner. Qu’est-ce qui nous dit que dans un an, ou deux, ou plus il n’y aura pas des maladies dont on ne connaitra pas la cause, qui seront peut-être dues à ce vaccin trop vite fait ? Personne n’est à l’abri. Et même à la fin de la phase 3 on n’aura pas encore assez de recul.
Mon regret : si tous et toutes on avait été solidaires à l’hôpital, on aurait fait bloc en disant non au vaccin, comme on a fait bloc pour d’autres manifs et on aurait gagné. Mais la peur et la pression de perdre son travail… Tout ça a été très bien préparé pour qu’on n’ait pas le temps de s’organiser. C’était la période des vacances et avec un mois de délai entre le 14 août et le 15 septembre il y a eu trop peu de temps pour se retourner.
Le personnel coûte cher, l’hôpital coûte cher, pour moi c’est une façon déguisée de fermer des lits, en disant qu’il y a tellement de suspendus… qu’on n’arrive pas à recruter…
Le conseil de l’Europe a dit qu’il était opposé à l’obligation vaccinale, que c’était de la discrimination. Nous, les suspendus non-vaccinés, nous sommes victimes de discrimination.
Témoignage recueilli en avril 2022