Ils ont été effacés, mettons-les en lumière

Ingrid

Préparatrice en pharmacie (Paris)

« Pourquoi, au nom d’une crise, on bafoue les lois du travail et celles de la santé ? »

Ingrid a 44 ans, elle est mère célibataire. Après 20 années de carrière en milieu hospitalier, elle est suspendue depuis le 15 septembre 2021.

Comme beaucoup, pour la première fois de ma vie, j’ai eu l’impression que j’allais mourir. On ne savait pas ce que c’était, on n’était pas préparés.

Je suis seule avec un enfant et je me souviens, j’allais travailler tous les jours en pensant que je pouvais mourir ; ça avait l’air tellement grave, j’avais l’impression de côtoyer la mort. Je me suis dit « Je vais travailler pendant que tout le monde est confiné pour se protéger et moi je n’ai même pas le droit de porter un masque. Je vais dans les services infectés et on m’interdit d’en porter ». Seul(e)s les infirmiers(ères) avaient le droit d’en porter, mais c’était un masque pour 12h de travail… On n’avait pas le droit de se protéger, mais on a continué à travailler, on était là ! On n’avait aucune idée de ce à quoi on s’exposait, tous. On se sentait sacrifiés mais on a continué à travailler.

Pour répondre à la situation, on a doublé les postes de soin avec le matériel qu’on avait, on a élargi nos horaires de travail, pris sur notre temps personnel. On n’avait aucun matériel supplémentaire, tous les services se sont débrouillés et ont fait preuve de créativité pour essayer d’isoler les patients Covid. On n’a pas attendu un décret ou un mode opératoire, on a tout mis en place sur le terrain.

Quand les masques ont été disponibles, ça a été le contraire, au lieu d’une interdiction on a eu l’obligation d’en porter. Avec le temps et les discours qui changeaient du matin au soir, je me suis rendue compte qu’il y avait un souci. Ensuite cette histoire de vaccination est arrivée et j’ai commencé à me documenter. Très vite la plupart de mes collègues se sont fait vacciner, mais moi je suis restée sur ma réserve. J’ai commencé alors à subir des remarques : « C’est de ta faute si on va continuer à l’attraper ». Je répondais que les gestes barrière et les protections suffisaient, mais plus le temps passait et plus on sentait qu’on demandait aux soignants de se vacciner de manière impérative, jusqu’à ce que tombe l’obligation : « C’est la loi, si vous n’êtes pas vacciné, vous allez perdre votre salaire ». Ce n’est pas « On va vous licencier et on vous donne l’occasion de refaire votre vie ». Non, on vous interdit de travailler !

En France, nous sommes pourtant protégés par les lois, on a une agence nationale du médicament. Lorsqu’on participe à une étude expérimentale, on doit être consentant et on doit être informé des effets secondaires connus. Et pour qu’une AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) soit définitive, il faut un certain nombre d’années d’études. Là on ne sait rien de ce vaccin, il est en phase expérimentale et son AMM est conditionnelle. Puis j’ai commencé à entendre parler d’effets indésirables et de conséquences parfois létales, avec des publications qui l’attestaient et aujourd’hui c’est de plus en plus connu.

On veut m’injecter quelque chose dans le corps et j’aimerais savoir ce que c’est. J’ai senti quelque chose de très violent monter en moi. J’avais ce sentiment intérieur qu’avec cette obligation vaccinale, j’allais vendre mon corps pour de l’argent. Tous les jours je me disais il va se passer quelque chose, ça ne peut pas continuer comme ça. Je me suis dit qu’on n’était pas dans une politique sanitaire, mais dans une autre démarche. Je ne me sentais pas du tout protégée par l’institution, ni par le gouvernement. Pourquoi, au nom d’une crise, on bafoue les lois du travail et celles de la santé ? L’état agit comme un bandit.

J’ai expliqué ma position à ma hiérarchie, qui m’a très bien comprise. Je répétais : « Je suis dans la loi ».

Mais plus l’échéance approchait, plus je pleurais et plus j’avais l’impression… le mot a été fort quand je l’ai sorti, mais ensuite je l’ai vu inscrit sur les blouses de mes collègues dans les manifestations, je n’étais pas seule à éprouver ça. C’est un viol ! J’avais l’impression que si je le faisais on me volait mon corps.

Puis la date butoir est arrivée. J’avais pris rendez-vous à la médecine du travail. Je leur ai dit que, après mûre réflexion, je ne pouvais pas me faire injecter. Ensuite j’ai été convoquée par la RH, qui m’a expliqué ce qui m’attendait si je refusais l’obligation vaccinale : suspension de salaire, pas d’acquisition de points de retraite, pas de chômage, pas de droit à la formation.

A ce moment-là j’avais accumulé des jours de congés payés et une semaine avant on nous avait dit (avec diffusion dans les médias) que nous serions suspendus seulement à l’issue de nos congés. Mais le 14 septembre, à 16h, nous avons tous reçu un mail du directeur de l’APHP, nous informant qu’aucun congé payé ne pourra être déposé. Dans la fonction publique les congés payés non posés sont perdus. J’ai donc perdu les miens et tous les personnels suspendus comme moi. Ce sont pourtant des congés pour lesquels nous avons travaillé, qui nous sont dus, mais qui nous ont été volés. Quand l’annonce a été faite, certains se sont effondrés et ont hurlé. C’en était assez, on avait déjà plus d’un an de COVID sur les épaules, sans compter les problèmes dus au manque de personnel, accumulés depuis tant d’années !

Le personnel hospitalier est en souffrance depuis très longtemps. Beaucoup de gens se sont fait vacciner non par conviction, mais parce qu’ils n’avaient pas d’autre choix, ils ont été contraints de le faire.

Moi, j’ai d’abord été en colère, ensuite j’ai pleuré. Quand je vois comment on est considérés lorsqu’on est en poste et pire encore si on revendique son droit au consentement libre et éclairé. J’étais dans mon droit et on me l’enlève ; je me suis sentie trahie. J’ai perdu mon poste, celui que j’occupais et pour lequel j’ai fait tous les efforts chaque fois qu’il le fallait. La direction, les services, les collègues, je ne les ai jamais abandonnés, j’ai toujours été là quand ils avaient besoin, quand il fallait travailler pour quatre, j’étais là. Et quelle reconnaissance a-t-on eue ? Aucune !

Les 183€ qui ont été accordés au personnel soignant en juillet 2020, lors du Ségur de la Santé, ce n’est qu’un ajustement minimum d’un indice de rémunération gelé depuis plus de dix ans. Contrairement à l’évolution du smic, nous n’avons pas été augmentés chaque année ; cette augmentation n’était pas un cadeau, elle nous était due ! Et 183€ pour aller au front, ça reste quand même… bien dérisoire !

Après 20 années de carrière je perds tous mes droits parce que je ne veux pas obéir à une injonction illégitime. Du jour au lendemain je me retrouve à être un paria, un danger pour la planète, car je ne me soumets pas à cette obligation vaccinale expérimentale. Et si je voulais être réintégrée je ne le serais plus à mon poste ; c’est une double peine.

J’ai appelé un avocat qui m’a laissé peu d’espoir et je n’ai pas d’argent à consacrer à une procédure judiciaire pour défendre mes droits. J’ai demandé une rupture conventionnelle qui m’a été refusée.

Alors je vis au jour le jour, sans pouvoir me projeter à plus de deux ou trois mois. L’état nous fait la guerre, je suis devenue l’une de ces ennemis qu’on a fabriqués : « les non-vaccinés ». Pourtant, on sait aujourd’hui qu’il n’y a aucune donnée scientifique pour justifier et valider ces mesures, ni la position du gouvernement, ni les lois qu’il fait voter.

Célibataire avec un enfant, comment vais-je faire ? Je vis sur mes économies depuis le 15 septembre 2021 et j’ai failli capituler je ne sais combien de fois, par peur du lendemain, du manque et de la pauvreté. Heureusement, avec mon enfant à charge j’ai eu droit au RSA, ce qui me permet de payer certains frais fixes. Mais je me trouve quand même chanceuse par rapport à d’autres, car tout le monde n’y a pas droit, il y a des plafonds.

Aujourd’hui je suis aux minima sociaux. Ça ne m’est jamais arrivé.

Alors je fais ma vie. J’ai bien compris que pour eux je suis un paillasson. Avec le statut de suspendue je ne suis rien, je n’ai pas droit au chômage, je ne suis pas demandeur d’emploi, je perds tous mes droits. Je suis bloquée.