Ils ont été effacés, mettons-les en lumière

Delphine

Masseuse-kinésithérapeute (Val-de-Marne)

« Il y a une cassure, une blessure géante qui me rappelle que je suis jetable. J’ai perdu toute confiance dans l’institution. »

Delphine a 56 ans, elle est mariée et mère de 2 enfants. Masseur-kinésithérapeute en rééducation fonctionnelle, elle travaille à l’APHP depuis 22 ans et depuis plus de 30 ans à l’Assistance Publique. Elle est suspendue depuis le 25 octobre 2021.

Je ne suis pas une antivax, je refuse cette appellation, je me vaccine tous les ans contre la grippe et j’avais même fait le vaccin du H1N1 en 2009.

Je suis soignante, je n’ai pas démérité, je n’ai pas commis de faute, mais parce que je ne veux pas de cette injection je suis suspendue. Je n’ai pas mérité d’être jetée à la poubelle au bout de 30 années de bons et loyaux services comme si j’avais commis un crime !

Je n’ai rien caché de ma position de ne pas me faire vacciner contre le Covid, mais je ne m’en suis pas vantée non plus. Je n’ai reçu aucun soutien, mais ce qui m’importe ce sont les gens pour qui j’ai de la considération, ceux que j’aime. C’est l’avis de mes proches qui me fait mal. Je souhaiterais juste qu’ils admettent que la façon dont on me traite est scandaleuse. Je voudrais entendre de leur bouche : « Ce n’est pas normal que tu sois suspendue sans salaire ». C’est ça que je voudrais que l’on reconnaisse. Que personne ne comprenne ma position, soit, je n’essaie pas de convaincre, mais que l’on me dise « C’est TON choix », ou que j’entende dire « C’est bien fait pour toi », c’est ce qui me blesse le plus.

J’ai vécu les premiers jours de crise, lorsqu’il n’y avait aucun équipement, notamment pas de masques. J’en ai confectionné moi-même en tissu, pour ma famille et pour mon propre usage et je suis allée travailler comme ça, sans autre protection.

Lors de la première vague, nous nous sommes concentrés sur les patients post-Covid, car certains devaient suivre une réanimation lourde. Dans mon service, des règles d’hygiène ont été instaurées, des mesures de distanciation, des aérations régulières. Puis, de nouveau, le service a été ouvert à tous les patients et de moins en moins de patients post-Covid sortant de réa nécessitaient une rééducation fonctionnelle.

Quand le vaccin du Covid est arrivé, j’étais éligible dès janvier 2021, mais je ne voulais pas le faire, je n’avais pas confiance. Les médecins avec qui je travaillais m’ont conseillé, en toute bienveillance, de le faire. Je m’étais donc inscrite pour une première injection en avril, mais j’étais tellement angoissée et stressée que la médecine du travail m’a dit de ne pas y aller dans cet état. J’éprouvais comme un rejet, une phobie de cette injection. Je n’y suis donc pas allée et par la suite j’ai décidé que je n’irai jamais. Pourtant, je l’ai toujours dit et notamment à ma DRH, dès la sortie d’un vrai vaccin classique, je me ferai vacciner.

Fin août 2021, lorsque je suis rentrée de congés, j’avais encore un délai de 3 semaines avant l’ultimatum au 15 septembre pour les soignants. Chaque fois que je me rendais sur mon lieu de travail, je me disais que c’était la dernière fois que je voyais mes patients, que j’allais perdre mon métier. Une horreur. J’ai voulu faire mon travail correctement jusqu’à la fin, mais je ressentais cette pression, ce sentiment que j’allais tout perdre et c’était épouvantable.

J’ajoute qu’à cette époque, TOUS les syndicats étaient en vacances et aucun n’était disponible, ni à l’écoute de tous les soignants en souffrance. Gros abandon de tous les syndicats, silence radio total des syndicats !

Une semaine avant l’échéance de la suspension au 15 septembre, j’ai commencé à avoir des problèmes de santé et compte tenu de mes antécédents j’ai été mise en arrêt maladie jusqu’au 25 octobre. J’aurais pu faire prolonger cet arrêt de travail, car j’étais vraiment très mal, mais mon médecin m’a dit que je risquais gros et qu’il y avait lui-même le risque que cet arrêt soit considéré comme un arrêt de complaisance, à la veille de la suspension des soignants. Le 25 octobre, dès la reprise du travail, j’ai été immédiatement convoquée par la DRH.  

Mais pourquoi refuser ce vaccin contre le Covid alors que j’ai un passif médical assez lourd et que je suis donc considérée comme personne potentiellement à risque vis-à-vis du Covid ? Ma situation est quand même paradoxale, je serais à risque par rapport au Covid, mais le vaccin m’apparait comme un danger plus grand pour moi que le virus lui-même. J’ai l’impression que je vais m’euthanasier si je me fais injecter ce vaccin. C’est MON ressenti, c’est au plus profond de moi, c’est très fort et ça l’a été dès le début.

La raison, c’est que je n’ai pas confiance dans cette stratégie vaccinale, qui d’emblée m’a parue suspecte et incohérente.

La première chose qui m’a alertée fut l’interdiction des traitements, notamment de l’hydroxychloroquine. Un grand mystère, je n’ai pas compris cette interdiction de prescrire, cette interdiction de soigner. Cette décision m’a paru illogique, tout à fait anormale dans un contexte de crise sanitaire.

L’hydroxychloroquine, l’Ivermectine, tous ces traitements qui sont prescrits depuis des décennies et qui sont brusquement interdits contribuent à ma défiance. Je ne peux pas adhérer car ce n’est pas de la médecine, car ces traitements sont inoffensifs ! L’Azytromycine, antibiotique qui a largement fait ses preuves, a lui aussi été interdit, sauf si le pharmacien procède à un test sur vous. C’est interdit, sauf si on a une angine bactériologique.

Ils sont en train de verrouiller tous les traitements qui peuvent avoir une efficacité. Il faut quand même savoir qu’à l’APHP, ils sont tous formatés par les labos. Ce n’est donc même pas forcément une question de corruption, ils fonctionnent simplement comme ça, en liaison avec les labos, tout naturellement.

Et plus on avance dans le temps, plus on constate les prises de décisions aberrantes des gouvernants, plus ça me conforte qu’il y a un loup. Il y a plus qu’un loup ! Pourquoi veulent-ils tous nous injecter ?

En admettant que le vaccin contre le Covid ne soit pas dangereux, mon état psychologique est tel qu’il aurait fini par le devenir par manque de confiance. Je ne suis vraiment pas en état de recevoir cette injection. Je pense avoir perdu la foi, j’ai perdu confiance. Il faut avoir confiance dans son médecin, sinon vous ne prenez pas le traitement.

Et justement, que penser des médecins dont certains ont totalement renié le serment d’Hippocrate concernant l’accès aux soins ? Voici ce qu’il m’est arrivé. Je suis suivie pour mes problèmes de santé depuis 27 ans. J’avais rendez-vous avec un professeur de médecine le 15 septembre 2021, mais il a annulé la consultation parce que je n’étais pas vaccinée. Il m’a affirmé que les tests PCR que je pratiquais pour le pass n’étaient pas fiables, et il a même refusé la consultation en visio !

J’aurais pu porter plainte à l’encontre de ce médecin mais je n’ai pas voulu, car il a toujours été bienveillant avec moi pendant toutes ces années où je l’ai consulté. Toujours disponible, 24H/24, à l’écoute, par téléphone et par mail, il ne m’a jamais laissée tomber. Je mets donc son attitude sur le compte de l’âge et de la peur. Je pense qu’il ne comprenait pas ma position. La sienne était un peu paternaliste.

Après lui avoir signifié que je maintenais ma volonté de ne pas me faire vacciner, il m’a dit que j’étais dangereuse, qu’il y avait des patients fragiles, que ça pouvait les tuer et que si c’était juste pour prendre ma tension je n’avais qu’à aller voir mon généraliste. J’ai fait le deuil de ce médecin et je préfère garder en mémoire toute l’attention qu’il a eue pour moi du temps où il m’a soignée.

Mais depuis le début de cette crise nous nageons dans une totale incohérence. En voici un autre exemple :

  • Des soignants asymptomatiques mais testés positifs au Covid peuvent travailler, ils sont même appelés parce qu’il y a un manque de personnel.
  • Moi, avant ma suspension, j’ai été cas contact et la CPAM m’a recommandé l’isolement, mais la médecine du travail m’a déclarée apte à travailler !
  • Donc, début septembre j’étais cas contact et j’ai pu travailler, j’ai même dû y aller, et à partir du 15 septembre je n’étais plus cas contact, mais comme je n’étais pas vaccinée j’étais considérée dangereuse pour les patients ! Sachant qu’on se faisait tester tous les 3 jours !

Tout ceci n’est pas sanitaire ! Il n’y a absolument rien de logique dans cette crise.

Depuis la suspension, j’ai refusé de me laisser abattre et j’ai tout de suite retrouvé un petit travail alimentaire. Je suis quand même très pessimiste pour l’avenir, mais je ne vais pas me laisser faire, je vais me battre.

Témoignage recueilli le 21 décembre 2021

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LA REINTEGRATION

La reprise fut très rapide, un entretien très formel avec la D.R.H. et ma réintégration s’est faite du jour au lendemain. J’ai été obligée de démissionner du poste que j’occupais alors en CDI dans une école. Ce départ, après deux ans, et l’abandon de l’équipe juste avant le BAC, tout cela a été très brutal.

Le jour de ma réintégration, la cadre, très vexée qu’on lui impose mon retour en 24 heures, m’a proposé un poste de remplaçante… Certains collègues m’ont accueillie avec bienveillance, mais ce ne fut pas la majorité, d’autres dans l’indifférence, mais surtout, tous ceux de la communauté antillaise m’ont félicitée. Mon statut d’ex-suspendue m’a mis une étiquette qui a libéré la parole de certains face à mon sacrifice : un médecin résistant mis au banc par ses collègues, une patiente avec faux certificat de vaccination, des personnels dans le regret de l’injection…

Au service gériatrie, riche en émotions, je retrouve le sens de mon métier : Le Soin. Je n’ai rien oublié, là je me sens à ma place, avec une nouvelle équipe vierge de mon passé. Je repars à zéro.

C’est bien mais c’est violent ! Il y a une cassure, une blessure géante qui me rappelle que je suis « jetable ». J’ai perdu toute confiance dans l’institution, je vis au jour le jour, je ne peux plus me projeter dans l’avenir. Pour moi plus rien n’est acquis et je peux tout perdre à nouveau donc je m’y prépare. Ils m’ont volé ma vie d’avant, mes vingt ans dans cet établissement, mon histoire, ma légitimité.

Aujourd’hui, je me sens malgré tout comme une intruse, plus tout à fait à ma place. Je vais attendre la retraite et garder mon énergie pour nos anciens qui ont besoin de bienveillance et d’amour. J’en ai encore à donner.

Complément de témoignage recueilli le 26 juillet 2023

Réintégrée dans le même établissement mais à un autre poste, elle ne peut pas prendre sa retraite (pension insuffisante).