Ils ont été effacés, mettons-les en lumière

Hélène

Psychomotricienne (Gers)

« J’ai choisi ce métier par passion, pour sa diversité et pour le lien aux autres. »

Hélène a 48 ans, elle a 2 enfants étudiants. Le plus jeune fait des études de kiné en Espagne et elle continue à en assumer la charge ; l’ainée, apprentie en alternance, est plus autonome. Hélène travaille en secteur associatif, dans un IME (Institut Médico Éducatif) auprès d’enfants en situation de handicap ou autistes et avec des grands adolescents et de jeunes adultes. Après 23 ans de service elle a été suspendue le 16 septembre 2021. Elle conserve son mandat de déléguée syndicale, 12 heures par mois, mais hors structure professionnelle.

J’ai un peu senti que les choses se gâtaient durant l’été, mais quand même je n’y croyais pas.

Ce fameux jour du 16 septembre tout a basculé. Suspension, retour à la maison. J’ai pris un gros coup de massue et j’ai eu besoin de me couper du monde pendant quelques jours, de couper la télé, la radio, le téléphone et même de me couper de mes contacts proches.

Après, par contre, j’ai eu besoin de me relier et ça m’a permis de connaître des personnes que je n’aurais peut-être jamais rencontrées et avec qui j’ai maintenant des liens d’amitié. Ce côté soutien, ces réseaux, ça m’aide beaucoup, c’est essentiel.

J’ai été très triste, très en colère et je le suis toujours. Je n’en veux même pas à mon employeur, parce qu’il obéit. Bien sûr il aurait pu se rebeller, mais il obéit à des ordres qui viennent de plus haut, il applique les règles. Il était très mal à l’aise le jour où il nous a convoqués, moi et d’autres collègues, pour nous suspendre.

J’ai toujours été très investie dans mon travail, très engagée, j’allais même souvent un peu au-delà de mes missions de psychomotricienne. Tant que j’étais au travail je n’avais pas de difficulté particulière, la situation était difficile, mais ça fait partie de mon travail de m’adapter pour mener à bien la mission. Le confinement, je n’en ai pas trop souffert, je vivais dans des conditions confortables, à la campagne, même confiné, on n’est pas à plaindre. Mais on était en télétravail et avec des enfants en situation de handicap les besoins d’aller sur le terrain se sont très vite fait sentir. J’ai été la première à me porter volontaire pour faire des visites à domicile, parce qu’il y avait des situations très compliquées, des adolescents en difficulté chez eux, avec des parents eux-mêmes en difficulté, mais je ne craignais pas pour ma santé. J’ai un bon système immunitaire, je prenais des précautions et puis c’est mon travail, c’est mon rôle.

Au début, les contraintes ont pu avoir du sens parce qu’on n’a pas eu de clusters. On a eu des cas isolés, mais c’est tout. Après, on a appliqué les gestes barrière avec bon sens, parce que respecter les gestes barrière à la lettre avec des enfants autistes, non. Alors on portait bien le masque, on se lavait les mains, mais voilà, on a fait avec, on y a mis du sens, on n’a pas été trop gêné et ça s’est bien passé.

Depuis que je suis suspendue j’ai pris une grosse claque. Dans un premier temps je m’étais isolée parce que j’avais appréhendé le clivage vaccinés/non vaccinés, j’avais peur des remontrances de la part des vaccinés et finalement je me suis aperçue que non. J’ai eu beaucoup de soutien de la part de collègues qui sont toujours en poste, de la part des ados aussi et des jeunes adultes, qui m’envoient des messages régulièrement. Je suis toujours en lien et soutenue et ça fait beaucoup de bien. Sinon globalement les gens acceptent ma position, mais il y a eu un cheminement. Beaucoup ne comprennent pas, mais quand même je me sens respectée finalement dans mes choix. Bien sûr il y a des exceptions, avec des situations plus compliquées, avec la famille notamment, où nous évitons certains sujets. J’évite aussi les gens que j’estime malveillants, notamment le corps médical classique, dont mon médecin traitant qui me disait toujours : « Alors, c’est quand que je vous vaccine ? »

Je ne sais pas pour combien de temps je suis suspendue, la loi ne l’a pas prévu. Je n’ai pas de salaire, pas de chômage, aucune aide et je galère même pour récupérer les allocations journalières auxquelles j’ai pourtant droit selon la loi, pour avoir été huit jours à l’isolement comme cas contact. L’administration nous met des bâtons dans les roues.

Alors le côté financier commence à peser. Je ne chauffe presque plus ma maison, il peut y faire 12°C parfois. Je m’étais mis la limite de fin d’année parce que j’avais un peu de réserve, donc je fais un peu d’intérim dans la manutention, mais c’est un travail pénible. Les gens savent que je suis à la maison et disponible, du coup je rends plein de services autour de moi et ça me fait plaisir, mais ça ne nourrit pas, sauf lorsque je suis invitée.

Je ne peux revenir à mon poste que si je me fais injecter, ou si j’ai le Covid. J’ai essayé de l’attraper, mais je n’ai pas réussi. C’est tellement idiot. Ma fille l’a eu, elle a passé une semaine ici, mais je n’ai pas été contaminée. Je suis en bonne santé, j’ai un bon système immunitaire, je ne me sens pas particulièrement vulnérable, c’est pour ça que je n’ai pas besoin d’être vaccinée.

Je ne me sens pas très en danger, déjà parce que le virus ne circule pas autant qu’on veut nous le faire croire. Je ne nie pas qu’il y a des formes graves et que des gens sont vraiment très atteints, mais j’ai confiance dans les traitements existants, qui ont prouvé leur efficacité. Par contre, je n’ai aucune confiance dans ce vaccin à ARN messager qui est toujours en phase expérimentale. Je ne suis pas antivax, mais il n’est pas question que je me fasse vacciner avec ça. J’ai peur de ce vaccin qui n’en est pas un. J’avais l’espoir de la sortie d’un vaccin sans ARNm qui était annoncé pour fin 2021, mais il a été repoussé en avril-mai 2022, ou en Guadeloupe peut-être. Je m’étais donné cette échéance de fin d’année, mais là j’ai vu qu’il ne fallait pas y compter.

Je refuse le vaccin contre le Covid parce que je ne suis pas une personne à risque, parce que sais appliquer les gestes barrières, c’est mon métier, mais aussi parce qu’il y a des traitements précoces et que nous n’avons aucun recul sur cette technologie à ARNm, à 5 ans ou à 10 ans. Que les gens écoutent la télé et les médias classiques, ça me rend triste, ça me met en colère et je trouve ça catastrophique. Ils croient tout ce qu’ils entendent. On leur dit que les services sont saturés, mais on ne dit pas combien de lits ont été fermés et pourquoi ils ne recrutent pas de personnel !

Alors maintenant j’essaye de penser un peu différemment. Je me dis qu’il va falloir chercher un vrai travail, pas juste quelque chose de passager et d’alimentaire, comme l’intérim ou autre.

Je n’ai pas de projet parce qu’au départ je pensais que ça s’arrêterait en fin d’année. Le vaccin sans ARNm serait une porte de sortie, mais c’est quand même un compromis, parce que j’estime ne pas en avoir besoin, mais je me dis que ça ferait moins de mal que l’autre.

Je commence donc à envisager une reconversion dans un milieu parallèle, parce que dans le médico-social ce n’est pas possible, c’est un secteur géré par les ARS, donc soumis à l’obligation vaccinale. Mais le social dépend du département et là ça reste possible. La différence est qu’il n’y a pas la notion de handicap clinique, mais seulement de handicap social. Donc je devrais devoir changer de métier. Je vais essayer de voir dans l’insertion d’adultes en difficulté ou d’enfants en foyer, devenir éducatrice peut-être, ou autre chose, mais toujours dans l’aide et dans la relation aux autres, parce que j’aime ça et c’est ce que je fais le mieux. J’ai choisi ce métier par passion, pour sa diversité et pour le lien aux autres.