Ils ont été effacés, mettons-les en lumière

Francine

Accompagnante éducatif et social (Gironde)

« Je suis dans une espèce de spirale, dans ma tête j’ai un gros point d’interrogation. »

Francine, 54 ans, vit avec son compagnon. Elle travaillait au sein d’un foyer pour adultes en situation de handicap. Elle est actuellement au chômage après avoir négocié une rupture conventionnelle de contrat.

Je suis, ou plutôt j’étais accompagnant éducateur et social suite à une reconversion professionnelle que j’ai faite en 2018. C’était un rêve qui se réalisait, j’ai toujours voulu venir en aide à la veuve, l’orphelin et tous ceux qui sont à la traîne. C’était en moi. Tout d’un coup cette vocation a été brisée net. Aujourd’hui, j’ai l’impression de me déshumaniser un peu. Je ne pourrais plus travailler dans les conditions actuelles, sauf peut-être si des structures alternatives parallèles voient le jour. Le plus terrible c’est que je ne sais même pas si j’en ai envie, je suis dans une grosse spirale où les idées s’entrechoquent, brassées comme dans une machine à laver. Complètement perdue… Je suis condamnée à attendre l’essorage pour voir ce qu’il en sort.

Lors de la première vague je travaillais en équipe pour des personnes handicapées. De ce fait, au début, nous étions tous solidaires. Nous avons dû mettre des choses en place. Nous n’avions pas de masques, pas de gel, pas d’habits de protection, il a fallu improviser. Les résidents étaient tous confinés dans leur chambre, il n’y avait plus de repas en commun ; bref, toute l’organisation était perturbée, ce qui nous ajoutait un travail plus difficile à gérer. Vous imaginez bien que nos résidents, qui ont des défaillances, dès lors qu’ils se sont retrouvés confinés ont été plus difficile à accompagner. Leurs comportements et leurs réactions ont changé. Lorsqu’il y avait suspicion de COVID sur les résidents il fallait mettre toute une panoplie de protection (la charlotte, les lunettes, les blouses etc.) pour aller les voir. Cela faisait peur, surtout parce que l’on ne savait pas vraiment ce qu’il se passait. Il y avait beaucoup d’informations contradictoires qui circulaient, nous étions tous très angoissés. Aujourd’hui, avec le recul, je me rends compte que cette situation m’a beaucoup affectée, je suis fatiguée, mais sur le moment nous étions comme des petits soldats, nous n’avons pas réfléchi aux conséquences et, comme mes collègues, j’ai fait mon boulot du mieux que j’ai pu. Après le déconfinement les résidents sont restés enfermés, on ne pouvait pas sortir avec eux, il y avait beaucoup de pression. Pour les vacances l’année dernière ils n’avaient pas de sorties, rien, c’était vraiment très compliqué.

Mon activité prenait toute mon attention si bien que je n’ai pas remarqué les réactions de la population. J’ai vu que nous étions applaudis, que nous étions soutenus, j’ai trouvé cela bien, cela donnait un peu de pêche jusqu’au moment où il y a eu le projet de l’obligation vaccinale qui s’est dessiné à l’horizon. Là, je me suis dit ça va craindre. Très vite j’ai compris que je ne pourrais pas me laisser injecter ce produit et ce quoi qu’il en coûte. Je ne suis pas contre les vaccins, je me suis faite vaccinée pour certaines choses, j’ai fait vacciner mon fils, mais ça, je ne peux pas appeler cela un vaccin. Je n’ai pas du tout confiance dans ce produit parce qu’il en est encore au stade expérimental. Plus le temps passe plus on entend parler d’effets indésirables, de décès, dont le nombre est bien supérieur à ceux que l’on observe pour les vrais vaccins et qui eux ont été comptabilisés sur une période beaucoup plus longue. Plus le temps passe plus je suis confortée dans mon idée de ne pas vouloir me faire vacciner et ce d’autant qu’au delà de cette question en fait, ce qui me préoccupe, c’est ce qui s’installe dans le pays. Je ne veux pas laisser un pays comme cela pour mon fils, pour les autres enfants, j’espère que les autres personnes vont voir clair un jour parce que le mot dictature va effrayer certainement, mais là, nous sommes dans le contrôle et on va vers des choses qui ne me parlent pas du tout . Pour moi tout cela manque d’humanisme.

J’avais de nombreux contacts avec mes collègues. Au début j’ai essayé de faire en sorte que l’on se regroupe pour avoir plus de poids, je me disais que cela pourrait faire quelque chose. Il y avait quelques personnes au début qui étaient partantes mais petit à petit je me suis retrouvée toute seule. Je ne porte pas de jugement, chacun a fait comme il a pu, mais maintenant j’ai le sentiment d’être… Comment dire… C’est comme si je n’existais plus. La vie continue il y a plein de choses qui se passent et ça n’a pas l’air de perturber grand monde. C’est exaspérant. Au départ quand il y a eu cette obligation j’ai posé mes congés, enfin plus exactement j’ai fortement négocié mes congés en sachant qu’au retour je serai suspendue. Pendant trois mois je ne suis pas allée travailler, je suis partie. Par rapport aux résidents dont j’avais la charge, c’est terrible. Je suis partie sans rien dire, d’une part parce que tous ne sont pas en capacité de comprendre ce qu’il se passe et d’autre part je ne voulais pas rentrer dans le discours pour ou contre cette obligation vaccinale. Du coup je suis partie comme une sauvage et ce n’est pas moi. J’espère avoir l’occasion d’y retourner, non pas pour me justifier, mais pour… Je ne sais pas

Là, aujourd’hui, je me dis que je me suis tiré une balle dans le pied, mais je ne changerai pas d’avis. Je ne sais pas ce que va devenir ma vie.

Bien entendu tout tourne autour des moyens matériels. Quand on ne travaille pas, bien évidement on n’a pas d’argent, tout s’arrête. J’avais des projets, je n’ai plus rien. Dans cette situation j’ai pris l’option la moins catastrophique pour moi. Après avoir résisté aux pressions pour que je démissionne et au bout d’interminables négociations, j’ai réussi à obtenir une rupture conventionnelle, ce qui me permet d’avoir droit à une allocation chômage. Mais bon, cette allocation se monte à environ 500 € mensuel et dans le même temps j’ai un loyer à payer du même montant. Je voulais suivre une formation qui dure trois ans, bref là je ne sais pas.

Voilà, aujourd’hui je suis fatiguée, comme ma collègue je pense qu’il faudrait que je prenne des médicaments, mais je n’ai pas envie d’en passer par là, ça ne changera pas ce qu’il y a. J’essaye de trouver des solutions alternatives mais c’est compliqué, parce qu’en fait je suis fatiguée. Je suis dans une espèce de spirale, dans ma tête j’ai un gros point d’interrogation. La première chose pour moi est d’essayer de garder la santé et le moral, mais ce n’est pas facile…