Ils ont été effacés, mettons-les en lumière

Florence

Psychologue (Charente-Maritime)

« Je me sentais niée comme sujet pensant et autonome. »

Florence a 50 ans, elle est célibataire. Elle travaille depuis 24 ans dans la fonction publique hospitalière, mais elle exerce également en libéral, et pour une association. Son contrat de travail de la fonction publique a été suspendu le 15 septembre 2021 et elle a aussi dû interrompre son activité libérale, qui était régie par des conventions avec l’ARS. Elle a pu continuer à travailler pour l’association, ce qui représente environ 30 % de son emploi du temps.

Lors du premier confinement j’ai beaucoup travaillé, me rendant disponible pour mes patients en EHPAD, qui souffraient intensément de l’enfermement dans les locaux et de la rupture de liens avec leur entourage. J’ai été aussi beaucoup en relation avec les familles démunies, inquiètes et en souffrance pour la plupart, confrontées lors des décès à l’impossibilité de dire adieu au défunt, ne pouvant pas toujours amorcer un travail de deuil. Là où je travaillais j’ai vite compris que les besoins relationnels et l’état psychique des résidents n’étaient pas pris en compte. Cela a entraîné beaucoup de colère chez moi. J’ai tenté d’en parler avec la direction, mais j’étais assez peu entendue, ce qui montre bien le peu de place laissée à d’éventuelles remises en question et à l’état psychique des résidents. Il y avait aussi les règles irrationnelles concernant les masques, dont la durée d’efficacité variait, l’obligation de le porter en extérieur, les nettoyages intempestifs, tout cela générant des peurs profondes chez beaucoup…

J’ai fini par quitter cet établissement pour aller travailler en Equipe Mobile de Soins Palliatifs dans un autre hôpital en janvier 2021. J’ai pu respirer, retrouver du sens à mon travail, malgré le contexte Covid. Mais, au bout de quelques mois l’obligation vaccinale est apparue. J’ai pu discuter de ma position quant à l’injection et au schéma vaccinal avec la plupart de mes collègues. Je suis partie dans un respect mutuel, mes collègues et moi connaissant nos positions respectives.

A ce moment-là j’étais pleine d’énergie, convaincue d’avoir fait le bon choix et j’ai rapidement trouvé du travail saisonnier (en ostréiculture, viticulture). J’étais en harmonie avec moi-même, gagnant un minimum pour vivre dignement et me liant avec de nouvelles personnes, dont je me sentais proche dans mes choix et ma conception de la vie. C’est à cette période que j’ai décidé de faire appel de la décision de suspension que je trouvais arbitraire, ne tenant pas compte des singularités de chacun (système immunitaire, terrain, facteurs de risques…) et non fondée juridiquement. Cette procédure sur le fond est toujours en cours.

Six mois après la suspension, tout s’est effondré pour moi, la vie au quotidien est devenue difficile, avec un isolement du fait de ma souffrance ; cependant je restais entourée par la plupart des mes proches. J’étais étonnée de l’indifférence générale de la population, de sa méconnaissance de cette loi du 5 août 2021 qui me plaçait en interdiction d’exercer mon métier, un métier que j’avais choisi et qui me passionnait. Mais je n’ai pas subi d’agressivité quant à mon choix. J’ai d’abord songé à changer de métier, à m’orienter vers une toute autre voie (agriculture, retour à la terre), mais mes difficultés personnelles ont paralysé toute capacité à me projeter. Je m’interrogeais sur ce que je voulais, au fond, avec des questions comme : « que vais-je devenir, vers où aller, pour faire quoi ? »

J’ai refusé le schéma vaccinal, considérant qu’il s’agissait d’une injection encore en phase expérimentale, donc sans assurance quant aux éventuels effets délétères pour mon corps et mon esprit. Une grande incompréhension aussi face aux médecins qui, pour beaucoup, ne recevaient même pas leurs patients, conformément aux préconisations de l’Etat (isolement, doliprane). J’ai trouvé cela si éloigné de ma conception de la médecine, de l’humanité aussi. Par ailleurs, des alternatives à l’injection existaient et me paraissaient opérantes, notamment dans le domaine préventif, mais aussi dans le traitement du Covid. J’ai refusé aussi parce que cette loi m’imposait un acte médical où la question de mon consentement se trouvait complètement écartée. Je me sentais niée comme sujet pensant et autonome.

Aujourd’hui, 18 mois plus tard, revient l’idée d’un retour à la terre, au végétal, à la nature, en limitant mon travail comme psychologue en institution, tout en gardant une petite activité libérale de soutien des personnes en souffrance.

J’ai réintégré mon poste à l’hôpital le 22 mai 2023 dans des conditions satisfaisantes : un réel plaisir d’exercer à nouveau mon métier en soins palliatifs, donc à retrouver mon identité professionnelle et accompagner les patients au sein d’une équipe m’ayant accueillie avec humanité, et ouverte à des échanges respectant les positions des uns et des autres.

Témoignage recueilli en mai 2023