Ils ont été effacés, mettons-les en lumière

Christine

Aide Médico Psychologique (Haute-Garonne)

« Plutôt que de nourrir la colère, l’injustice, la tristesse, la haine, la dissociation, regroupons-nous, créons. »

Christine a 48 ans et depuis 18 ans qu’elle exerce ce métier elle a travaillé dans différentes structures, auprès de personnes handicapées, ou dans des maisons de retraite. Le SSIAD (Service de Soins Infirmiers à Domicile) qui l’employait jusqu’en octobre 2021 l’a licenciée pour inaptitude à son poste. Elle saisit cette opportunité positive pour se reconvertir et réorienter sa vie.

J’ai fait beaucoup de soins à domicile, j’ai aussi travaillé avec des personnes en déficience mentale, des personnes âgées, etc., mais j’ai plus d’affinités avec les personnes handicapées physique. Dans ce parcours j’ai commencé à sentir que je n’étais plus forcément d’accord avec la prise en charge et l’accompagnement, qui étaient trop orientés uniquement sur la médecine. Il y a d’autres approches pour apaiser les personnes et les accompagner dans leurs douleurs, qu’elles soient physiques ou mentales et je me suis formée à d’autres pratiques, comme la réflexologie plantaire pour pouvoir les utiliser au sein des structures. Ça a été refusé et du coup je me suis installée à mon compte. J’ai démarré comme ça.

Mais j’étais toujours en relation avec ce métier d’AMP qui me colle à la peau, parce qu’on ne devient pas aide-soignante comme ça, on n’est pas dans le médical par hasard. Plusieurs années après je suis donc retournée au sein d’une structure, dans un SSIAD. Le soin à domicile me plaisait bien parce que j’avais plus d’autonomie, je n’avais pas d’équipe derrière moi, et c’était à côté de mon domicile. Et au bout de 2 ans dans ce SSIAD, il y a eu le contexte qu’on connaît aujourd’hui.

Au début de la crise c’était normal pour moi de travailler, il n’y avait pas à nous applaudir, je n’ai pas besoin de reconnaissance, et chez nous il n’y a rien eu, je n’ai rien vu, il n’y a pas eu de vagues. On s’en est rendu compte parce qu’il y a eu beaucoup de précautions, dès qu’il y avait un nez qui coulait il fallait mettre le masque, enfiler des combinaisons, les charlottes sur la tête, etc., mais c’est vrai qu’au tout début on ne savait pas ce que c’était ce truc qui arrivait, donc on prenait des précautions et j’étais OK avec ça, il n’y avait pas de souci. On a attendu de voir ce que ça pouvait donner, mais nous dans le service on n’a pas eu de cas, tout s’est très bien passé. Il y a eu du stress mais moi je ne suis pas quelqu’un à vivre dans la peur. Par contre je le sens beaucoup et je le remarque beaucoup de la part des autres. Ça m’effrayait presque de voir que les gens avaient si peur que ça.

Au bureau dès qu’on touchait quelque chose il fallait mettre les gants, en rentrant il fallait mettre les gants, le masque, et en faisant les transmissions par ordinateur on n’avait pas le droit de se gratter, même avec les gants ! Dès qu’on sortait il fallait enlever les gants, en prendre d’autres, puis tout était javélisé, l’écran, le clavier, le bureau, tout ; les clés, dès qu’on arrivait il fallait les javéliser. J’ai vécu ça comme une agression, pour moi c’était beaucoup trop, ça me déstabilisait beaucoup, je ne trouvais pas ça normal. J’appréhendais même de rentrer dans le bureau, que ce soit en arrivant à 7h du matin, ou à midi quand j’avais fini ma tournée, parce que je ne me sentais pas du tout à ma place là. Par contre chez chaque patient, comme j’étais seule j’étais bien, je n’avais pas la pression de la hiérarchie, je me comportais normalement.

Puis il y a eu l’arrivée des soi-disant vaccins et comme je suis orientée vers des médecines plutôt naturelles, tout ça ne me convenait pas du tout. J’ai quand même tenu jusqu’au bout, en attendant de voir ce qu’il allait se passer, mais voilà, nos chefs sont des fonctionnaires très respectueux des règles et aussi plutôt en faveur de ce genre de traitements. On est dans le médical quand même…

Les tests ont été obligatoires à partir d’Août 2021, mais moi je n’avais jamais été testée avant, même quand j’avais été cas contact. A partir du 9 août on voulait m’obliger à me faire tester tous les 3 jours, à l’époque c’était ça, et là je me suis mise en arrêt.

J’avais déjà eu un surmenage en début d’année, qui m’avait fait un peu péter les plombs et je m’étais arrêtée 3 semaines. A ma reprise je savais très bien que je n’étais pas prête, c’était clair pour moi, surtout qu’il y a eu d’autres évènements dans ma vie qui ont fait que mon mal-être s’était accumulé jusqu’au mois d’août, et je me suis mise en arrêt maladie. J’y suis restée jusqu’au 13 octobre et à cette échéance le médecin n’a plus voulu renouveler mon arrêt parce que la sécu lui avait dit que je n’étais pas vaccinée contre le Covid et que j’étais anti-vax. Je n’avais jamais parlé de vaccin à mon médecin, les arrêts n’avaient rien à voir avec ça, j’étais en dépression, j’étais suivie par un psychologue et j’avais rendez-vous chez un psychiatre le 26 octobre. Donc mon médecin l’a appris par la sécu, il a mis fin à mon arrêt maladie, j’ai appelé mon employeur pour me mettre en congé entre le 13 et le 26 octobre, le temps de voir le psychiatre, mais il a refusé.

Donc là je n’étais rien, je ne me sentais plus rien, dans aucune case, et ça m’insécurisait fortement. J’ai fait des démarches auprès de la sécu, mais ils ne voulaient rien savoir, ils ne répondaient même pas aux courriers avec AR. Je devais donc voir mon psychiatre le 26 octobre, je prends contact avec la médecine du travail, qui me dit de poser mes congés, mais comme l’employeur ne veut pas, entre le 13 et le 26 octobre je n’étais nulle part, comme en abandon de poste.

L’employeur a fait comme si j’allais reprendre et la médecine du travail m’a convoquée pour la visite de reprise, avant la date de mon rendez-vous avec le psychiatre. J’y suis allée, j’ai été déclarée inapte à la reprise, mais là ce ne sont pas des médecins, ils ne peuvent pas faire d’arrêt maladie. J’ai attendu et finalement j’ai vu le psychiatre, à qui j’ai dit que je ne me sentais plus à ma place dans ce métier et que je j’étais décidée à me reconvertir, que je choisissais une autre orientation. Mais j’étais quand même un peu triste de quitter ça, parce qu’il y a une part de moi qui me disait « tu ne feras plus ça, tu ne seras plus aide-soignante, tu ne mettras plus ta blouse blanche ». J’ai eu le sentiment qu’on ne me donnait plus le droit d’exercer, et on a été beaucoup à ressentir ça. On ne me donne plus le droit d’aider les autres, et on n’est pas dans ce métier par hasard, c’est un besoin bien profond d’être utile à l’autre.

Comme j’étais en dépression je n’ai pas eu à expliquer à mes collègues que j’étais tellement en opposition avec ce qu’on voulait m’imposer, donc je ne sais pas ce qu’ils pensent. Eux continuent, mais chacun a ses raisons, chacun fait ce qu’il peut. Dans ma famille beaucoup ne comprennent pas que je perde mon emploi. A un moment donné je perdais mon identité parce qu’on croit qu’on a une identité professionnelle, qu’on est quelqu’un parce qu’on va travailler le matin. Mais ce n’est pas parce qu’on perd son métier, qu’on l’ait choisi ou pas, qu’on n’est plus rien. Tous les matins je me réveille et je pense à mes collègues et je me dis « elles, elles sont là ». Je ne suis pas triste de ne pas y être, mais tous les matins j’y pense, à 7h j’embauche et là je n’y suis pas, je pense à l’équipe ; oui j’en suis toujours là… Mais au fond je vais beaucoup mieux depuis que j’ai pris cette décision.

J’ai quand même eu une période très difficile, j’avais vraiment l’image d’être sur un fil, à tenir en équilibre et tous les jours c’était ça. J’avais l’impression qu’il fallait que je tienne sur ce fil et le problème c’est que je suis tombée plusieurs fois. C’était la chute, émotionnellement c’était le trou noir, le vide, je sombrais sous terre. Dans ces moments il n’y a rien qui va, la moindre mauvaise nouvelle et tout prend beaucoup d’ampleur. C’était des gros moments émotionnels et pendant longtemps je me suis sentie sur ce fil, à avoir des hauts et des bas, beaucoup de bas…

C’est à ce moment que j’ai rencontré un collectif de soignants et de personnes de la société civile, qui sont là simplement pour s’entraider, créer autre chose, informer et accompagner. Parmi eux, une infirmière avec qui j’ai pris contact, elle aussi suspendue, m’a bien soutenue quand j’en avais besoin. Et petit à petit, j’ai beaucoup travaillé sur la place que je veux prendre à partir d’aujourd’hui et du coup ça m’aide. Par contre j’ai vraiment besoin de soutien, je ne peux pas rester seule, ni physiquement, ni moralement et ce collectif m’apporte beaucoup. Je suis toujours en relation avec eux et quand je peux aussi leur apporter mon aide je le fais. On se soutient vraiment dans ce qu’on traverse, la solidarité que je n’ai pas eue de mes collègues, je l’ai trouvée dans ce collectif.

Je n’ai jamais été suspendue, je n’ai jamais voulu, j’ai tout fait pour ne pas l’être et je n’ai pas démissionné. Je suis licenciée pour inaptitude à ce poste, mais je peux aller postuler ailleurs si je veux, simplement pas à ce poste-là. D’une certaine façon c’est moi qui ai pris la décision. C’est très important pour moi.

Je ne suis pas contre la médecine allopathique, même si à côté j’ai une pratique de médecine alternative, je trouve qu’on se complète dans beaucoup de choses. Par contre moi, personnellement, je ne suis pas à l’aise avec tout ce qui vient de l’extérieur dans mon corps, je ne prends pas beaucoup de médicaments. Je me soigne différemment et ça marche très bien. Notamment, l’immunité je la travaille autrement qu’avec ce pseudo vaccin, qui pourrait soit-disant m’empêcher d’être malade. Je me suis souvent imaginée qu’un médecin pourrait m’injecter et j’en devient folle si je visualise ça. Je ne suis pas du tout en accord avec ça et très vite j’ai compris que le but de ce contexte Covid c’était de vacciner les gens. Je l’ai très vite compris.

Au début c’était la dissociation, j’ai vraiment senti qu’ils voulaient nous séparer, avec les autorisations de sortie, les couvre-feux, etc. On ne pouvait pas se réunir à plus de tant de personnes à la maison, surtout ne vous rassemblez pas, ne vous retrouvez pas, j’ai senti ce qu’on nous imposait. Il y avait une séparation voulue et en fait c’était pour vacciner la population mondiale. Mais ce n’est pas pour notre bien, ce n’est pas pour nous protéger.

Je n’ai pas confiance, je n’ai vraiment pas confiance, je n’y crois pas à leur truc, tout se mélange, la santé, la politique. Ce sont les politiques qui prennent les décisions aujourd’hui, soit-disant sous couvert d’avis médicaux, mais la santé ce n’est pas politique. Non, je ne le sens pas, pour moi ce n’est qu’une question de fric tout ça, et c’est tellement gros en plus ! Donc je ne peux pas jouer à ce jeu-là, pour ma santé, mais aussi pour ne pas être l’actrice de ça. Si je le faisais ça leur donnerait raison. On a tellement d’autres possibilités de se garder en santé, Je ne suis pas contre les vaccins, il y en a qui ont sauvé des vies, mais là je suis contre celui-là parce que ce n’est pas un vaccin déjà, on est en phase expérimentale jusqu’en 2023 au moins ! Et on veut vacciner des enfants, bientôt des bébés, on vaccine des femmes enceintes, non, NON !

L’indifférence de la population à notre sort ne m’atteint pas, c’est plutôt moi qui suis indifférente à leur égard. C’est peut-être égoïste mais j’essaie de survivre et je vis finalement très bien la situation parce que je ne rentre pas dans ce jeu-là. Tout le monde baisse les bras, tout ça se met en place et tout le monde prend l’habitude de vivre comme ça, de subir, de suivre tranquillement ce qu’on nous demande de faire. Je ne suis pas dans le jugement, je ne juge pas les gens qui se vaccinent ou qui ne se vaccinent pas, qui sont pour ou contre, mais je sais aussi qu’à côté il y a plein de choses qui s’ouvrent et qui se créent.

Je prends ce contexte comme une opportunité parce que je sais que quand on rencontre quelque chose d’émotionnellement difficile, c’est comme une vague qui arrive, et pour la traverser il faut surfer dessus. Si elle vous entraine au fond, quand vous êtes en bas il va falloir remonter. J’ai été face à une vague et pour l’instant je suis dessus, en surfant tranquillement pour ne pas couler.

Ce n’est pas tellement pour raconter ce que j’ai subi avec la perte de mon travail, etc., que je m’exprime ici, c’est aussi pour dire qu’il faut être droit dans ses bottes. Je sens et je pense vraiment qu’il y a une opportunité à saisir dans ce contexte et que chacun et chacune peut faire autre chose. Il y a des tas de choses à faire. Aujourd’hui j’ai du temps libre et je le consacre à mon avenir, je développe autre chose. Je n’ai pas d’amertume envers mes anciens collègues, ils n’y sont pour rien, c’est moi qui ai fait le choix de sortir de là. Je ne dis pas que ça a toujours été facile, mais c’est positif, parce que je veux le voir comme ça.

Ce témoignage c’est pour dire qu’on a tous quelque chose de nouveau à faire et plutôt que de nourrir la colère, l’injustice, la tristesse, la haine, la dissociation, regroupons-nous, créons de nouvelles choses, c’est ça qui est face à nous, c’est simplement ça et on en est tous capables, il faut juste le voir.

Témoignage recueilli en décembre 2021