Ils ont été effacés, mettons-les en lumière

Michèle

Kinésithérapeute (Côtes d’Armor)

« Menacée de trois mille euros d’amende et jusqu’à six mois de prison, parce que je faisais mon travail ! »

Michèle a 60 ans, elle vit en couple et a 3 enfants, aujourd’hui indépendants. Kinésithérapeute depuis 1983, elle a travaillé à l’hôpital la plus grande partie de sa carrière, puis en libéral depuis 2013. Elle a dû cesser son activité le 23 décembre 2021.

En 2020 j’ai été très impressionnée quand on nous annoncé cette peste moderne, je pensais que l’hôpital allait être tout de suite en plan blanc. Je pensais qu’on allait alors me rappeler en renfort ou bien que l’hôpital allait être réservé aux malades Covid et que la plupart des hospitalisés non covid seraient confiés aux libéraux. Je m’attendais vraiment à ce qu’il se passe quelque chose et puis en fait il ne s’est rien passé autour de chez nous. Pendant le confinement j’allais quand même voir des patients, j’avais confectionné des surblouses, je prenais toutes les précautions, je désinfectais même la voiture, je mettais tout le linge à laver en rentrant, on prenait une surblouse par patient, etc… Tout ce que j’avais appris à l’hôpital en matière d’hygiène, je l’ai appliqué de mon mieux. On avait pourtant très peu de matériel, on avait reçu, je ne sais plus, cinq masques par semaine, quelque chose comme ça. Donc je travaillais cinq fois quatre heures avec ces cinq masques. Je n’ai rencontré personne qui ait le Covid.

Au mois de mai, quand on a pu rouvrir le cabinet, je ne sais pas où était le Covid mais il n’était toujours pas autour de moi. J’ai appliqué très consciencieusement, avec beaucoup de zèle même, tout le cahier de protocoles qu’on a reçu, afin que les gens se croisent le moins possible, que tout soit aéré, désinfecté, etc… Les patients étaient très, très rassurés, et ils disaient même « Chez le médecin ce n’est pas aussi sérieux qu’ici ». Je partage un tout petit cabinet avec mon collègue et pour éviter que les gens ne se croisent, on avait séparé l’activité en deux ; soit je travaillais, soit c’était mon collègue qui travaillait. Les revenus ont été considérablement réduits, mais à ce moment-là c’était toujours l’alerte maximum et c’est comme ça qu’on a pratiqué. Quand l’été est arrivé et qu’on a vu tous ces touristes, ici en Bretagne, je me suis dit « Mais à l’automne ça va être l’horreur ! » et puis non, il n’y a pas eu de vague de malades ou d’hospitalisés et j’ai été assez étonnée.

Le deuxième confinement je l’ai subi comme tous les français. J’avais entendu dire, avec surprise, qu’il n’y avait pas de traitements et c’est vrai que ça m’avait déjà fait tiquer. Je trouvais ça étrange comme pensée médicale de considérer qu’il n’y ait pas de traitements et qu’un vaccin allait nous sauver. Dans ma patientèle j’avais beaucoup d’insuffisants respiratoires, beaucoup de personnes handicapées, lourdement handicapées. Quand le vaccin est arrivé, mes patients les plus fragiles se sont précipités et se sont fait vacciner et je croyais qu’ensuite ce serait terminé. Mais il y a eu toutes ces histoires d’interdiction, d’obligation, ces décomptes morbides de morts, je sentais bien qu’il y avait une manipulation, qu’on agitait la peur. Pour moi c’était évident, dès le début 2021. J’avais rencontré un médecin et, pour lui, la politique qui était suivie était vraiment une grosse erreur. Ça m’avait interpellée, car c’est quelqu’un de très conventionnel, de très sérieux, très consciencieux, et je me suis dit « Je n’ai peut-être pas tort de penser que ce qui se passe n’est pas normal. » A ce moment-là j’ai commencé à écouter les émissions de Réinfo-Covid et d’autres. Malgré la censure, j’ai compris qu’il y avait bien un travestissement de la vérité, une manipulation par la peur, des suspicions de conflits d’intérêts, de corruption, des tas de choses qui n’avaient rien à voir avec la santé publique.

En juillet 2021, quand il a été question de l’obligation vaccinale pour les soignants ce n’était pas possible pour moi de me faire injecter ce produit en phase d’expérimentation et je n’ai pas compris tout de suite l’ampleur du chantage, qu’on serait sans rien. « On va nous payer à rien faire ? » Je trouvais ça vraiment bizarre, et là j’ai appris que non, non, non, pas de chômage, rien. « Mais ils sont fous. Et les patients, qui est-ce qui va s’en occuper ? » J’allais beaucoup à domicile, c’était à peu près la moitié de mon activité, avec des gens très âgés, très handicapés ; ils ont du mal à trouver des kinés qui acceptent de se déplacer à la campagne, ce n’est pas très rentable. Je passais presque une heure entre le trajet, bavarder avec eux, faire la séance, parfois prendre un petit café, ou leur rendre un petit service, et bien il n’y a pas grand monde qui fait ça ! « Mais qui va prendre le relai ? » On avait appris qu’on ne pouvait pas être remplacé, même par quelqu’un de vacciné, cela montrait à l’évidence qu’il ne s’agissait pas de santé publique, mais que c’était une punition, punition pour non obéissance, pour non soumission à l’ordre donné par des politiques, politiques obéissant eux-mêmes à des pseudos scientifiques ou à une idéologie.

Je n’ai jamais eu peur du Covid, j’étais prête à faire quelque chose pour protéger les gens fragiles, mais pas au détriment de ma santé. Je ne fais pas partie des populations à risque, je n’allais pas me faire injecter un truc nouveau, un produit à ARN messager, je voulais attendre un vaccin, plutôt classique, qui évite la transmission, c’est tout ce qui m’intéressait, je n’avais pas peur pour moi. J’avais entendu parler des recherches sur un vaccin par voie nasale, qui promettait d’augmenter l’immunité des voies aériennes supérieures, et donc d’éviter la transmission. Mais cette manière autoritaire avec laquelle a été traitée la crise, je ne pouvais pas me plier à ça ! Je souhaite qu’on respecte mon intégrité, mon intelligence, mes choix : les choix pour mon corps, les choix pour ma santé, je refuse une autorité qui me considère comme une enfant stupide.

Dès l’été, la CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie) avait envoyé des courriers aux patients pour les « inviter » à se rapprocher d’un autre professionnel et l’ARS (Agence Régionale de Santé) nous sommait de nous mettre en conformité avec la loi du 5 août 2021. Avec mon collègue nous avons décidé de contester la légalité de l’obligation vaccinale et nous avons porté plainte. Le dossier a été monté, la plainte déposée en urgence avant le 15 septembre et nous pensions de ce fait être protégés jusqu’à ce que l’affaire soit jugée par le tribunal. L’avocat était confiant : « J’ai parlé avec le juge, Véran va être vert. » Nous étions très contents que Véran soit vert, mais surtout on se disait qu’on allait pouvoir continuer à travailler.

J’ai poursuivi mon activité mais les menaces de l’ARS continuaient de tomber : recommandés, menaces d’amendes, de prison même ! Moi, si respectueuse des règles, qui n’ai jamais grillé un feu rouge, jamais fait un excès de vitesse ni oublié ma ceinture, j’ai été menacée de trois mille euros d’amende et jusqu’à six mois de prison, parce que je faisais mon travail ! Je n’aurais jamais cru me trouver un jour confrontée à une menace pareille. Mon pays n’était plus une démocratie. J’avais déjà réduit mon activité, mais je me sentais de plus en plus mal et, en novembre, je ne m’occupais quasiment plus que des patients à domicile. Le 23 décembre ma carte professionnelle a été désactivée et là j’ai plongé.

Quand j’ai dit au revoir à mes patients, juste avant Noël, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps, c’était le trou noir. Noël 2021 a vraiment été horrible. La famille avait demandé qu’on fasse des tests, bon on n’était pas à un test près, mais il ne fallait surtout pas parler des choses qui fâchent. Ça a été une période très difficile.

L’ordre départemental des kinés nous a convoqués en janvier 2022 pour une « discussion confraternelle ». Ça s’est bien passé, j’avais envoyé plusieurs courriers expliquant que je ne souhaitais pas recevoir l’injection expérimentale mais que j’attendais la vaccination par voie nasale qui paraissait prometteuse contre la transmission. Ils voulaient qu’on s’auto suspende, j’ai répondu : « Non, j’ai porté plainte et j’attends le jugement, je ne peux pas prendre de décision avant d’avoir un avis du tribunal. » L’ordre a accepté, mais l’audience initialement prévue en novembre n’a jamais eu lieu. L’ARS a déclaré au dernier moment prendre un avocat, celui-ci a demandé un report et depuis rien, pas de tribunal.

Je suis donc officiellement en congé, en congé sans solde depuis plus d’un an !

Début 2022, un de nos confrères s’est pendu. Il nous avait contactés, mais n’avait pas voulu prendre d’avocat, ni rejoindre les collectifs de suspendus ou de citoyens. Il s’est renfermé puis il a mis fin à ses jours… Et peu de temps après c’est une patiente de cinquante-trois ans que nous avons perdue. Je l’aimais beaucoup, elle n’était pas en mauvaise santé. Elle a fait un AVC massif et elle, elle avait fait son « devoir », elle s’était fait injecter plusieurs fois. Quand on est allé lui rendre hommage au funérarium, il n’a jamais été question d’injection, mais moi je ne pensais qu’à ça. Je pensais à tous les jeunes, à ces gamins de seize ans qui, pour pouvoir continuer à faire du sport ou sortir avec leurs copains, ont couru se faire injecter ; je pensais à ma fille qui vit seule, est infirmière et s’est faite injecter pour pouvoir travailler. J’étais vraiment terrifiée, terrifiée par la peur que tous ces jeunes gens soient blessés.

Les patients comprenaient ma position, ils voyaient bien que j’étais sérieuse, ça leur paraissait raisonnable, je n’ai eu aucun problème avec eux, même s’ils trouvaient que je m’attirais bien des ennuis. Par contre, je faisais partie d’une chorale et là ça a vraiment été très pénible. Quand on a repris les répétitions après tous les confinements, c’était en petits groupes dans une grande salle avec des masques. Il fallait bien sûr faire des tests et j’ai exprimé ce que je pensais : « Mais enfin, c’est débile, on ne va pas faire payer à la Sécu tous ces tests pour chanter à quatre dans une grande salle avec des masques ! C’est de l’argent jeté par les fenêtres ! ». Ça a été très mal pris et quand j’ai dit qu’on menaçait de m’empêcher de travailler, là j’en avais trop dit. On était là pour la musique et il ne fallait pas faire de prosélytisme. Quand ça fait vingt ans que l’on chante avec des gens, qu’on les prend pour des amis, c’est extrêmement choquant. Des gens cultivés, parfois non conformistes, qui ont prétendu que j’étais manipulée par l’extrême droite. Lors de leur concert de Noël, « Noël c’est la paix dans le cœur des hommes n’est-ce pas ? et l’amour bien-sûr… » Et bien ils ont refusé l’entrée de l’église au mari d’une nouvelle choriste, non pas parce qu’il n’était pas vacciné, mais parce que le lecteur de QR code affichait NON. Le premier concert de son épouse il l’a passé dans la voiture. J’ai trouvé ça stupéfiant, inhumain, d’une telle intolérance !

Cet été j’ai voulu assister à un concert, c’était gratuit, ça avait l’air sympathique, j’y suis allée. En entrant dans la chapelle j’y ai vu quelqu’un de mon ancienne chorale et ça m’a fait un choc ; j’ai eu une crise d’angoisse, je me suis mise à pleurer et je n’ai pas pu rester. Ça me renvoyait en pleine face ce rejet, cet aveuglement, ce sentiment d’avoir été bannie. Oui, c’est un très gros chagrin, qui perdure.

Dans le milieu du soin, par contre, je n’ai pas eu de problème, même avec un infirmier qui faisait les tests et qui avait mis en place des vaccinodromes. On avait pu parler et il me disait : « Au début j’étais le sauveur, maintenant je suis le bourreau. » Quand j’ai été interdite d’exercer je lui ai envoyé cette question : « Mesure proportionnée ? » et il m’a répondu « Non. »

Les premiers mois qui ont suivi l’arrêt de mon exercice je n’avais plus d’énergie, plus envie de rien, m’occuper de moi, faire les repas, m’occuper de la maison. Je ne pouvais pas sortir, encore cet été je ne pouvais pas aller faire mes courses. J’étais tellement écœurée de voir la population faire comme si de rien n’était que j’en avais de véritables nausées. J’avais envie de hurler, et comme je ne me le permettais pas, je sortais du magasin et je pleurais. Évidemment depuis un an je n’ai pas gagné d’argent, j’ai prélevé sur mes économies et j’ai réduit les dépenses au strict minimum. Mais ce n’est pas ça le plus dur, le plus dur c’est de voir la société qui part à vau-l’eau, d’avoir peur pour tous ces jeunes.

Et j’ai eu peur pour moi aussi. Quand notre « cher » président a dit qu’il voulait « nous emmerder » et que tout le monde y est allé de son couplet : on était des irresponsables, des criminels, des gens à enfermer, je me suis dit « Mais… On a déjà vu ça. » Je n’aurais pas osé la comparaison, mais c’est ce qu’a dit Vera Sharav, survivante de l’holocauste et présidente de l’AHRP (Alliance for Human Research Protection). D’abord on n’a plus les mêmes droits, ensuite on ne peut plus exercer sa profession, puis on est accusé de transmettre une maladie, et après qu’est-ce qu’on fait de ces gens-là qui ne sont plus des citoyens ? On sait ce que ça donne, c’est l’usage du bouc émissaire… Et là j’ai eu peur, j’ai eu très peur, bien plus qu’à cause du Covid. Pour défendre mes valeurs, par intégrité j’ai toujours refusé les faux papiers que l’on m’a proposé, mais cette fois-là je me suis dit : « Si ma vie est vraiment en danger, alors oui, je me résoudrai peut-être à faire un faux. » C’est le seul moment où j’ai eu peur pour moi, de la part de fanatisés, hystérisés.

Se rassembler tous les samedis, au début c’était plus que je ne pouvais supporter, ça me provoquait toujours des crises de larmes, et pourtant ces collectifs qui se sont formés c’est ce qui nous a sauvé la vie à tous, je crois. Ce sentiment d’injustice, d’abandon est tellement énorme que s’il n’y a pas eu davantage de suicides c’est parce qu’on s’est retrouvés et qu’on a rencontré des gens qui nous ont approuvés, des gens qui ont monté des cagnottes pour aider les plus précaires d’entre-nous. J’estime que je n’en fais pas partie, j’ai une maison, mes enfants ne sont plus à charge, mais les femmes seules avec enfants, je trouve qu’elles ont eu un courage phénoménal. Ensemble on se serre les coudes, on sait qu’on n’est pas seuls et on sait qu’on n’est pas fous, que nos valeurs sont importantes. On les défend et c’est notre honneur de les défendre.

Au début je ne pouvais pas témoigner, je pleurais trop, mais le 1er octobre 2022 j’ai fait un témoignage public, j’étais prête. Et là ça m’a fait du bien, d’abord parce que j’ai été obligée de démêler tous ces sentiments, toutes ces idées, et puis de les partager avec un public à l’écoute, un public qui me comprenait, cela aussi m’a fait beaucoup de bien. Alors ensuite, lorsque l’émission « Les pieds sur terre » de France Culture a demandé des témoignages, je me suis dit il faut le faire, il faut témoigner, il faut que les gens entendent. Et même si je pense que ce sont des salopards, des psychopathes, des pervers qui cherchent à nous conduire dans ce trou, je ne le formule pas à voix haute, je reste modérée dans mes paroles. Je pense qu’ainsi mon témoignage peut être plus facilement entendu et qu’un jour les gens ouvriront les yeux sur les motivations des uns, l’argent et le pouvoir, et des autres, le soin, l’amour et le respect.

Aujourd’hui, en décembre 2022 la France est, je crois, le dernier pays au monde à ne pas avoir réintégré ses soignants, alors qu’il n’y a plus aucun argument sanitaire, je pense que ça ne pourra pas durer très longtemps. La population souffre de la dégradation des soins. Si j’ai le droit de reprendre mon métier, je le ferai sans doute. J’ai cherché du travail ailleurs dernièrement, car j’ai eu peur de ne pas pouvoir recommencer à soigner à cause du sentiment de dégoût, et à cause de mon affaiblissement physique, je ne suis pas remise encore, mais c’est mon seul métier, c’est ma seule vocation. Après est-ce que je le pratiquerai de la même manière ? Ce n’est pas sûr, non, ce n’est pas sûr…