Ils ont été effacés, mettons-les en lumière

Catherine

Orthophoniste (Haute-Garonne)

« J'ai eu cette chance de pouvoir transformer l'épreuve en quelque chose de positif, d'avoir aiguisé mon regard et ma compréhension sur le monde. »

Catherine, 35 ans, vit avec son conjoint, exerce en libéral depuis 11 ans. Interdite d’exercer au 8 octobre 2021, elle a pu retravailler en janvier 2022 grâce à des certificats de rétablissement.

Ma profession est un peu méconnue, mais importante car elle concerne les prises en charge de pathologies à long terme dont souffrent nos aînés, et aussi les urgences, pédiatriques comme neurologiques, à domicile, etc. Ce métier touche de nombreuses personnes et je l’aime, mais il semblerait que bientôt il m’en faille faire le deuil.

Lors de la première vague et du confinement, nous avons reçu des recommandations du syndicat FNO (Fédération Nationale des Orthophonistes) appelant à ne pas travailler pour protéger les patients. Comme la majorité des gens à ce moment-là j’avais peur du virus, je ne le connaissais pas. J’ai donc fait ce qui était préconisé en pensant protéger les patients fragiles et limiter la circulation du virus. Mes patients et moi avons communiqué sur le sujet, tout le monde a fait au mieux.

A domicile, cette situation nous semblait anormale : être enfermé dans les limites de sa propriété, faire sa propre autorisation de sortie pour s’aérer… Mais nous avions une chance incroyable d’habiter dans une maison avec un jardin, nous avons donc pris le côté positif en nous reposant, c’était comme des vacances.

J’ai repris le travail avec un peu d’appréhension. Au début on distribuait quelques masques par semaine aux soignants, puis ça s’est arrêté ; je les ai donc achetés, on a tous fait ça d’ailleurs. Je me suis réorganisée en allongeant les séances pour pouvoir appliquer le protocole qu’on nous imposait, avoir le temps d’aérer et de désinfecter entre chaque patient. Les journées étaient longues, mais je faisais l’effort pour les patients, pour les protéger. J’avais besoin de travailler, de retrouver des gens, et comme on annonçait que ça durerait je pensais à modifier encore mon organisation pour septembre 2021, en ouvrant moins de créneaux qu’avant, puisqu’ils étaient plus larges. Je continuais à faire des formations en visio.

Puis quelques patients ont commencé à me demander où j’en étais des doses de vaccin, et en parallèle le martèlement médiatique battait son plein. Moi j’avais besoin de temps pour y réfléchir, un vaccin qu’on ne connaît pas, une maladie qu’on connaît mal, je ne me précipite pas. Alors je répondais simplement que je faisais déjà ce qu’il fallait pour les autres : « je porte un masque, je me lave les mains, je me teste ».

Le 12 juillet, l’allocution présidentielle annonçait la vaccination obligatoire pour les soignants avec des sanctions démesurées : mon ventre se tord. Que vais-je faire ? C’est là que j’ai commencé à vraiment me questionner sur les traitements, la prévention, comment fonctionnait la maladie, les maladies, les vaccins… Je pose la question à mon médecin traitant sur les risques liés à la vaccination, elle me répond « Je ne peux pas répondre à votre question, nous ne le savons pas. Il y a peut-être un risque d’attraper un Covid long, c’est la loterie, même si dans votre tranche d’âge le risque est très faible, car vous êtes en bonne santé… ». Nous avons discuté de la fiabilité ou pas des informations auxquelles elle avait accès… une discussion très intéressante, sans avis tranché. Je suis repartie sans être plus avancée, je sentais qu’elle s’interrogeait aussi, je me sentais légitime, à ce moment-là de me poser des questions. Et je n’avais toujours pas attrapé de Covid, malgré les sorties, les copains, les concerts…

Il n’y a pas d’Ordre dans ma profession, mais à la rentrée de septembre 2021 j’ai découvert qu’en tant qu’orthophoniste en libéral j’étais dirigée par l’ARS, qui m’avait envoyé une lettre m’informant que si je ne me faisais pas vacciner avant le 15 septembre, si je travaillais quand même, je risquais la prison et des milliers d’euros d’amende. Et j’ai besoin de travailler. Il faut payer les charges, les loyers, je suis engagée dans des projets hyper importants et précis envers des patients pour lesquels, dans le coin, il n’y a pas 36 orthophonistes formés, donc il faut que j’assure.

En septembre j’ai subi une pression monstrueuse. Je craignais de craquer à chaque séance. Je commençais à en parler aux familles qui me consultaient, j’expliquais la situation, les menaces, les collègues qui étaient déjà interdits d’exercer, j’évoquais les risques… Le stress quoi ! J’ai craqué à domicile devant un papa et son ado polyhandicapée. Il a reçu ma souffrance ce jour-là, il m’a redonné confiance, parce qu’il ne m’a pas jugée, il a compris le choix cornélien qui se présentait à nous. Enfin, ce non-choix, de se faire injecter ou de laisser-tomber le boulot, donc les familles.

Le 8 octobre je reçois, en recommandé, un avis d’interdiction d’exercer. Je me liquéfie ce jour-là. C’est trop violent. Je ne suis pas rentrée dans le « schéma » donc je n’ai plus le droit de travailler. Je ne suis pas incompétente, je suis juste contre le fait de me forcer à me vacciner, avec tous les doutes que j’ai. C’est un truc trop bizarre quand ça arrive. Je suis interdite de travailler. Je n’ai pas droit au chômage, j’apprends aussi que certaines collègues sont tombées en dépression mais que leur arrêt de travail a été refusé par le médecin de la sécu parce qu’elles n’étaient pas vaccinées. Le motif de leur dépression avait été jugé irrecevable ! On est dans le milieu du soin et quand un jour on a besoin de soins on nous les refuse ! A ce moment-là, selon les critères sociaux on n’est pas comme les autres. C’est incroyable !

Mon compagnon, dans le milieu du spectacle, est aussi à l’arrêt, l’événementiel est à l’arrêt. On est deux à zéro revenu, en train de se dire « mais on va faire quoi ? ». Et les copains qui disent « Et alors, vaccine-toi, c’est bon, t’en parles plus après, qu’est-ce que ça va te coûter ? Regarde, moi ça ne m’a rien fait, il suffit que tu le fasses et tu retrouves ton boulot ! Ça ne vaut pas le coup de perdre ton boulot, non ? Et ton moral, regarde-toi ! ». Je me sens jugée, incomprise, chiante, rejetée, pas respectée dans mon choix, je suis très mal et très en colère.

Heureusement mon médecin constate mon état et me met en arrêt de travail. Elle découvre l’ampleur de la situation, quand je la lui raconte. Je ne fais que pleurer, je vais péter les plombs, je lui demande de m’aider. Elle me fait comprendre que je suis en dépression du fait de la violence de tout ça. Elle me rassure : « Je vous prescris l’arrêt de travail. Et qu’ils viennent me voir pour me dire que vous n’êtes pas en dépression ! je prends la responsabilité, je suis médecin, je sais de quoi vous souffrez ». Magnifique personne sous sa casquette de médecin. Merci à elle.

Je réalise que j’ai donné 15 ans de ma vie à ce métier ! C’est très dur ce motif d’arrêt, c’est subit et subi. Mon ostéo, que je vais voir parce que je ne dors pas, ne me manipule pas mais en parle avec moi. Quelle merveilleuse personne, lui aussi ! Il me suggère de reprendre le pouvoir et de sortir du conventionnement, de tenir compte de mes compétences, de repenser le soin et le cadre pour les exercer. Au départ, je me dis que je n’y arriverai jamais. Au fil du temps, et depuis notre conversation en tout cas, c’est devenu une option sérieuse et cette conversation m’aura permis d’avancer dans ma réflexion. C’est vrai, le cadre offert par les soignants conventionnés est-il toujours garant d’un bon soin, finalement ? Que suis-je sans ma casquette de soignant conventionné ? Plein de choses en fait !

Encore une fois je dois me blinder face aux réactions diverses de mon entourage qui se fait du souci pour moi, et pour qui le conventionnement permet d’assurer des finances régulières et stables, une sorte de sécurité. Je me heurtais à des esprits façonnés par une certaine manière de penser. A l’époque cela me faisait mal, aujourd’hui j’ai pris de la distance, je m’explique leur réaction. Mais ça a été affreusement douloureux, comme si toutes mes décisions, mes opinions, mes choix, mon identité, ma place dans la société devenaient conditionnés par cet acte non réalisé : celui de me vacciner. Quelle tristesse.

Décembre, je me débrouille pour avoir le Covid, ce qui me redonne le droit de travailler 6 mois. Ah ben non en fait, en février ça passe à 4 mois. Quel foutage de gueule !

Finalement, en février, mon compagnon attrape le Covid, mais pas dans un concert de 400 personnes, non, en répétition avec 3 musiciens ! Du coup il me contamine et j’obtiens un nouveau sésame qui m’offre 4 mois de boulot en plus, je vais presque pouvoir terminer l’année scolaire. Le soulagement est bref, en juin ça va s’arrêter à nouveau, je le crains. Certaines familles de patients sont au courant, d’autres non. Quand il faudra en parler j’aimerais aussi savoir ce que je vais faire. Peut-être que des choses bougeront d’ici-là ?

Je ne peux m’empêcher d’avoir un peu l’espoir que les gens prennent conscience. C’est tellement injuste de priver un soignant (ou n’importe qui d’autre d’ailleurs) de l’aide qu’il peut apporter à la société, des compétences qu’il a, professionnellement parlant. Et pourquoi pas un banquier pour cette obligation de vaccin, ou un avocat ? C’est arbitraire, moi aussi, comme eux je travaille dans un bureau, je ne comprends pas, sincèrement. Des collègues résistent et j’apprends que leurs patients reçoivent des lettres de la sécu, les informant que leur ortho est interdite d’exercer ! Du coup les cartes professionnelles des libéraux sont désactivées par la sécu, enfin c’est un truc d’une violence… Quand on le vit, c’est inimaginable. Je me suis fait agresser par l’Etat en fait. On a tous fait des sacrifices pour faire ces études longues, on a embarqué nos familles dedans, quand on en a… Mon diplôme je l’ai, je ne l’ai volé à personne et là, sous prétexte que je ne suis pas d’accord avec la pensée globale, on me dit que je ne peux plus travailler, mais pas parce que je suis incompétente, non, parce que je ne suis pas complaisante ! Moi ça me dépasse.

Je ne me crois pas plus intelligente que les autres, mais je me suis renseignée, j’ai juste étudié la question et c’est n’importe quoi, ça me fout en rogne. Avec ce qu’on sait depuis mai 2022 et ce qui est en train de sortir, les informations qui sont de plus en plus dévoilées sur l’inefficacité, sur la transmission et la protection de ces soi-disant vaccins, sur l’existence de traitements précoces, sur le nombre et le type d’effets secondaires, le questionnement sur la validité des études, les incohérences du discours officiel… et je peux citer encore des tonnes de choses. Et face à ça le besoin qu’a la société globalement, des savoirs et des capacités de chacun… Je trouve ça hallucinant de créer encore plus d’inégalités sociales, financières et de droit au travail basé sur des trucs complètement discutables et dont on n’a pas le droit de discuter. Je trouve ça hallucinant que tout soit imposé de façon unilatérale. Donc si ma carrière s’arrête là, je me dirai : « C’est comme ça, je ne suis pas responsable, j’ai fait ce que je pouvais ». Parce que je suis légitime à ne pas être d’accord, j’ai des arguments rationnels et j’ai encore le droit de ne pas être vaccinée contre le covid.

En libéral on doit se créer un réseau, mais moi je travaille seule dans mon cabinet. Je n’ai donc pas eu de confrontations avec des collègues, certains orthophonistes et d’autres professionnels de santé (ergothérapeutes, psychomotriciens, infirmiers, etc.) ont très bien compris ma position. Beaucoup se sont fait vacciner par intérêt, ils n’étaient pas convaincus et aujourd’hui certains le regrettent. Mais je me suis sentie totalement délaissée. Le syndicat majoritaire ne nous a pas soutenus, il nous a dit « La loi, c’est la loi, vous le faites, point, on ne veut rien savoir ». J’ai voulu prendre une remplaçante, mais on n’avait pas le droit de se faire remplacer par quelqu’un de vacciné. Si ce n’est pas de l’hypocrisie ça ! Et la continuité des soins ? On s’en fiche apparemment. Qu’est-ce qu’il se passe ? Pourquoi est-on en train de casser le soin ?

Soigner c’est aussi prévenir et c’est une réflexion globale qui motive mon refus de me faire vacciner. Il y a les traitements précoces, quand on met le nez là-dedans on se dit qu’il y a quand même des choses à faire, prévention, traitements précoces, précocité, ces mots parlent d’une globalité, d’une bonne santé générale, donc ça fait forcément partie de mon choix, mais pas seulement. Je ne veux pas me faire vacciner par complaisance, il me faut une bonne raison, j’ai besoin de plus de précisions et d’assurances sur certains points très pratiques de ce vaccin. J’ai tous mes autres vaccins à jour, il n’y a pas d’histoire d’être pro ou anti vaccin, la guéguerre là-dessus c’est idiot. Mais j’ai surtout décidé de ne pas faire partie d’un essai clinique à grande échelle. C’est mon droit, j’aurais aimé qu’on le respecte et qu’il n’y ait pas ces conséquences. Elles sont décorrélées de la réalité et d’une démarche scientifique, c’est ça qui me gêne.

Je me sentais très agressée parce qu’on remettait sans arrêt mon choix en question et tout le monde était à fleur de peau. On apprend vite à repérer cette agressivité, à ne pas s’exposer, et par la discussion à rendre aux autres la responsabilité qui leur incombe, de réfléchir à plus long terme. Il y avait peu de débat, on me disait « Si tu ne te vaccines pas, c’est de l’égoïsme ». Mais finalement, ceux qui se sont fait vacciner l’ont-ils fait pour les bonnes raisons ? Est-ce qu’on se vaccine vraiment pour ne pas être égoïste ? On a tous des motivations pour faire ou ne pas faire des choses, mais en fait je voyais bien que beaucoup allaient se faire vacciner pour sortir de cette dissonance cognitive : comme ça on n’en parle plus…

Aujourd’hui on a d’autres données, les gens se rendent un petit peu plus compte, j’entends autour de moi « Je ne ferai pas la 4ème dose ». Depuis peu il y a la levée du pass, mais pour moi ça ne change rien, je ne suis pas autorisée à retravailler et les gens ne sont pas au courant, ils sont étonnés quand je leur dis. Ceux qui n’étaient plus concernés par les restrictions ont très vite oublié, parce qu’à force de se noyer dans les informations on ne retient plus rien.

Au départ, j’étais sidérée, hyper en colère aussi. Je le suis toujours mais ça ne me bloque plus. Petit à petit j’ai retrouvé ma capacité à agir sur ma vie. Et surtout l’envie ! J’ai évolué. Ça a été violent, mais je sens que je peux surmonter les difficultés maintenant. Je me crée des portes de sortie. C’est compliqué parce que ce n’est pas choisi, je le fais par défaut, parce qu’il faut le faire. Je réfléchis à ce que je pourrais faire, ce dont j’aurais envie. Là, j’en ai tellement marre que j’irais bien cultiver des plantes, pour me reposer. Mais plus sérieusement, je pourrais valoriser mes compétences sous un autre statut, par une autre façon de travailler, mais toujours dans l’accompagnement personnalisé. Ça me fait un peu peur car je crains de ne pas en vivre, ce sont les finances qui me freinent, mais ça travaille en trame de fond à l’intérieur de moi. Je pourrais abandonner le soin conventionnel, mais ce serait laisser le gouvernement gagner et diminuer encore l’offre de soins conventionnés. Je trouve que ce n’est pas juste. On verra, mais j’ai une chance incroyable, mon compagnon est très soutenant.

J’ai voulu témoigner ici pour informer, parce qu’énormément de personnes sont touchées par la loi d’obligation vaccinale de 2021. J’avais aussi envie d’incarner concrètement, pour mon entourage peut-être, le fait qu’on est dans cette société où nous avons tous un rôle à jouer. Ce ne sont pas 400, ou 1500, ou 100 000 soignants, mais ce sont des hommes, des femmes, des êtres humains pour lesquels on a décidé de leur sort de manière inique. Et j’en fais partie. Mais nous sommes des vrais gens, avec une construction, une vie, une pensée, des droits aussi…

Où sont passées les libertés fondamentales ? Celles qui font que je dispose de mon corps ? Que j’ai droit au travail ? Et toutes les autres dont bénéficie une partie de la population encore, sans se poser de questions, et qu’on a sucrées aux autres parce qu’ils ne sont pas d’accord… et pourtant, je suis comme les autres.

Témoignage recueilli en mai 2022

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ET APRÈS LA LEVÉE DE L’OBLIGATION VACCINALE ?

Actuellement, j’ai pu reprendre mon travail. J’avais pu le faire début 2022, en utilisant le système à ma manière finalement, grâce à des certificats de rétablissement, mais j’étais encore dans une dépression latente.

Puis j’ai eu un déclic de l’ordre d’un gros lâcher prise qui m’a permis de commencer à me reconstruire après cette période de dépression. Les séquelles du traumatisme se font moins sentir maintenant, néanmoins je vois souvent que je ne suis plus tout à fait la même personne.

Mais au fond, c’est une bonne chose, cette mise à l’épreuve se termine bien pour moi, et j’ai trouvé en moi, ainsi que dans le soutien de certains de mes proches et dans le tissage de nouveaux liens dans des groupes de soutien, des forces insoupçonnées et une meilleure connaissance de moi-même. Je suis donc, je pense, une version évoluée de moi-même aujourd’hui, je me conviens mieux. J’ai toujours de la colère au fond de moi sur le sujet, mais elle est devenue un rappel de ce que j’ai compris des temporalités de chacun, des limites de la société et de celui de mon pouvoir d’agir. Elle n’est plus une entrave à ma bonne santé.

J’ai eu cette chance de pouvoir transformer l’épreuve en quelque chose de positif pour moi, d’avoir aiguisé mon regard et ma compréhension sur le monde et de pouvoir être plus en cohérence et en conscience avec mes choix, en m’autorisant à les faire, ces choix. J’ai aussi une route alternative qui se construit tranquillement en moi, qui pourrait éclore si besoin au-cas où une situation similaire se profilait dans l’avenir : prévenir pour mieux guérir… Le mouvement et la souplesse, source de l’adaptation ! Être roseau plus que chêne…

J’espère conserver ce bénéfice le plus longtemps possible.

Complément de témoignage recueilli en avril 2024