Ils ont été effacés, mettons-les en lumière

Anne-Marie

Infirmière (Savoie)

« Est-ce que je peux me permettre, étant infirmière, d’avoir quelques doutes sur ce produit ? »

Anne-Marie, 52 ans, est divorcée, elle a deux enfants majeurs. Après 15 ans d’expérience comme infirmière elle est suspendue depuis le 1er octobre 2021.

52 ans et 15 ans d’expérience comme infirmière ce n’est pas énorme, je suis relativement jeune dans ce métier. J’exerçais dans un service de la Croix-Rouge française, un SSIAD (Service de Soins Infirmiers à Domicile), avec une équipe d’aides-soignantes et 2 infirmières pour 67 patients.

Avant cela, j’ai fait tous les métiers de l’hôtellerie restauration. Puis j’ai été maîtresse de maison dans une structure sociale auprès de personnes en difficultés sociales et là je me suis décidée pour le médical plutôt que le social, mais c’était une super expérience. J’ai aussi été ASH et j’ai vu un peu l’organisation dans les hôpitaux. Après, pendant l’école d’infirmières, on fait des stages à l’hôpital. A l’époque c’était très bien parce qu’on faisait un mois de stage ici, un mois de stage là, on voyait beaucoup de choses. Aujourd’hui, vous faites 10 semaines dans un endroit, ça manque d’ouvertures, vous voyez moins de choses. C’est lors d’un de ces stages que j’ai fait l’accueil de jour de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. J’aimais bien, cela m’a enlevé des barrières, ce fut un déclic et j’ai voulu travailler avec eux. J’adore m’occuper de gens qui ont des troubles cognitifs et j’ai fait mon exposé de fin d’études sur le malade Alzheimer.

Nous, les infirmières de gériatrie, on est un peu déconsidérées, alors qu’en fait on peut faire un super boulot et pour moi c’est un vrai choix, j’ai toujours voulu être en gériatrie. Il faut des connaissances un peu générales. C’est vrai que je ne suis pas pointue sur la cardio, la pneumo, la cancéro et tous ces trucs très techniques. Par contre, il faut quand même quelques notions d’un peu de tout, en plus de l’approche psychogériatrie qu’ils n’ont pas dans les autres services de l’hôpital. Quand vous avez des troubles cognitifs et que vous arrivez à l’hôpital, je vous garantis que ça se complique, les soignants ne savent pas vous prendre en charge.

J’ai vécu en Angleterre et ça me permet de comparer avec la qualité du soin en France. En Angleterre, le système est meilleur pour les personnes âgées. Pour les soins on imagine que les gens doivent tout payer, mais pas du tout, ils ont une sécu comme nous. C’est basique, leur système est similaire au notre, ils n’ont pas le choix du médecin, mais ils ne payent pas le médecin traitant, tout est gratuit, les médicaments, etc. Par contre, si on veut une meilleure prise en charge, on paye. Mais en France, on est où si on n’a pas de mutuelle ? C’est la même chose. Il y a plein de gens en France qui ne se soignent plus aujourd’hui. Les dents par exemple… Je vais chez le dentiste, j’en ai pour 300 euros de ma poche. Tout le monde ne peut pas se permettre.

Il y a bien des problèmes et un manque de personnel dans toutes les structures que j’ai vues, mais dans l’ensemble ils sont mieux organisés. Il y a quand même de la maltraitance, cela arrive, mais le service de contrôle des EHPAD est fait par des sociétés indépendantes et l’évaluation de chaque EHPAD est affichée sur Internet. S’ils sont dans le rouge, on le sait et on ne va pas y mettre ses parents. En France, qui est-ce qui contrôle les EHPAD ? C’est l’ARS. Et qui décide du nombre d’infirmières pour chaque EHPAD ? C’est l’ARS. Ils ne vont pas reconnaître qu’ils n’ont pas mis le personnel nécessaire. Je suis la seule infirmière pendant 5 heures pour 90 personnes sur 7 étages et ça ne questionne personne ? Il y a des aides-soignantes, heureusement, mais infirmière je suis toute seule et j’ai 2 heures et demi pour distribuer tous les médicaments à 90 personnes sur 7 étages ! Et on me demande de connaître chaque dossier ! En Angleterre, il n’y a jamais moins d’une infirmière pour 30 personnes et elle a 2 heures chaque matin pour distribuer les médicaments.

Ça, c’est la partie infirmière, mais par contre les conditions de travail des salariés sont très difficiles, de ce côté-là c’est pire. Je n’étais pas infirmière, j’étais aide-soignante, parfois aide à domicile et j’étais très mal payée pour des heures et des heures de travail. A domicile, je pouvais terminer à 9 ou 10 heures le soir et reprendre le lendemain à 7 heures le matin. En structure, on me rappelait sans arrêt, je n’avais jamais deux jours de congés d’affilée parce qu’ils manquent de personnel, comme chez nous. Du coup on bossait comme des dingues parce qu’il fallait assurer un petit-déjeuner à 8 h, une distribution de thé à 10h, l’apéritif (jus de fruit ou apéro et chips) à 11h. On incitait les gens à boire et à manger toute la journée et je n’ai pas vu beaucoup de dénutrition en Angleterre. J’ai vu des gens s’arrêter de s’alimenter parce qu’ils étaient dépressifs, mais en France ça reste un gros problème de pouvoir donner de l’eau en EHPAD, de pouvoir faire des roulements ; et les filles n’ont pas le temps de donner des chips ou des choses en plus qui donnent un peu de plaisir. Les résidents, il ne leur reste pas beaucoup de plaisir…

La crise sanitaire, c’est d’abord un problème de gestion des hôpitaux et des urgences, parce que ce n’est pas la peste, ni Ebola, ce n’est pas de ces maladies qui tuent 50 % de ceux qui les attrapent ! On est loin de ça, non ? Envoyer les gens systématiquement à l’hôpital je ne pense pas que c’était la solution. Et si c’est une maladie si grave, pourquoi on ne la soigne pas ? Cela questionne, franchement. Et pourquoi on donne si peu de moyens aux soignants ? On voit bien aujourd’hui la crise des EHPAD qui éclate. Dans mon secteur je n’ai pas constaté d’encombrements, en tous cas c’est mon expérience personnelle. Les hôpitaux sont encombrés pour une autre raison, la désertification médicale touche toute la France, partout, et même en Savoie, où ce n’est pas le pire des coins, on a des problèmes, on manque régulièrement de personnel.

La Haute-Savoie a été un peu touchée à la 1ère vague, à Annecy ça a été un peu compliqué apparemment, mais en Savoie beaucoup moins. Dans notre service on n’a rien vu de plus. On a continué à travailler comme on pouvait, on avait les mêmes problèmes que partout, pas de protections, pas de masques, pas de surblouses, mais moi de toutes façons je ne suis pas convaincue que le masque soit utile. On sait très bien que les virus passent à travers les masques chirurgicaux, il faudrait des FFP2. A la 1ère vague personne n’a été malade et moi, je mettais le masque tout le temps. A la 2ème vague on avait mis des protocoles en place et c’est là que je l’ai attrapé. Pourtant, je me lavais les mains, je mettais le masque, le gel hydroalcoolique, etc. C’est difficile parfois d’échapper au virus.

J’ai une bonne santé, j’ai lutté toute seule contre le Covid, personne ne m’a aidée. Je l’ai eu en novembre 2020, personne n’a voulu me soigner, le médecin m’a dit : « Vous restez bien chez vous. Doliprane et chez vous ». Je n’aurais pas été loin du Pr. Raoult j’y serais allée. J’aurais aussi aimé avoir un médecin pour me prescrire l’Ivermectine, j’aurais au moins essayé. Mais je n’ai pas paniqué, je me suis reposée, je suis restée enfermée chez moi toute seule pendant 10 jours, je n’ai vu personne et j’ai fait attention à bien m’alimenter, parce que sans goût et sans odorat je n’avais pas trop envie de manger. J’avais des réserves dans le congélateur, je me suis débrouillée, j’ai lutté, je suis encore en vie, mais il est très bizarre ce virus, ce n’est pas comme quand vous avez un rhume, il y a bien des atteintes neurologiques. Pour un rhume on perd aussi le goût et l’odorat, parce qu’on a les sinus bouchés, mais là ça persiste après, c’était zéro goût pendant longtemps ; c’est vraiment une atteinte neuro je pense. Et ça fatigue beaucoup, c’est une maladie drôlement inquiétante quand même, je ne dis pas le contraire, mais ne pas être soignée c’est encore plus inquiétant ! Mais tout ce qu’on a appris pendant nos études et dans notre parcours professionnel a volé en éclats au cours de cette crise.

Certains collègues avaient peur, ils étaient très mal, très affolés. Moi non, dès le début pas du tout, parce qu’on est habitué, on est confronté en permanence à la maladie, à la mort, c’est notre métier, tout le temps, Covid ou pas Covid. Et surtout moi, en gériatrie, les personnes âgées meurent, tous les ans en automne on a des vagues de morts, je ne suis pas surprise.

Pour moi le couperet est tombé le 5 août 2021, quand la loi a été votée. Ça m’a mise en sidération. Je ne pensais pas que ça passerait. Et petit à petit tout le monde s’est soumis dans l’équipe, à part une collègue qui a essayé de résister avec moi, mais qui n’a pas pu tenir jusqu’au bout. Elle est mère célibataire avec un adolescent à charge, ce n’était pas possible de continuer. Tout le mois de septembre 2021 j’étais en congés. J’ai cogité, cogité, et le jour de ma reprise j’ai annoncé que je ne reprenais pas. Ma chef a convenu qu’on liquidait une partie de mes congés, mais pas tous. Elle m’a laissé jusqu’au 1er octobre pour réfléchir et j’ai confirmé ma décision.

J’ai refusé la vaccination avant tout parce que j’ai eu le Covid et quand la loi est tombée j’ai fait une sérologie, j’étais blindée d’anticorps. Je n’avais pas besoin d’être vaccinée, clairement. Je trouve aussi que toute la crise a été mal gérée et je n’ai absolument pas confiance dans ce produit, ni dans Pfizer, ni dans les autres gros laboratoires pharmaceutiques. Mon refus de cette vaccination, c’est aussi un acte politique.

Mais il n’y a pas que ça. Travailler dans les soins, c’est un métier extrêmement difficile, spécialement en France parce que dans notre système les gens se prennent très peu en charge. Ils attendent tout du médecin, ou de l’infirmière. Bien sûr on est là pour les aider à se soigner, mais à la base, c’est quand même eux qui se soignent. Si on n’a pas la participation du patient, si les gens ne prennent pas en main leur santé, on met simplement un pansement sur une plaie qui ne guérira jamais.

C’est comme ça qu’on en arrive à nous demander de nous injecter un produit nouveau et de nous mettre en danger. J’ai peut-être tort de penser ça, mais pour l’instant on ne sait pas, restons un peu dans le doute. Ce produit est peut-être très bien, mais on est en 2022, il aurait fait ses preuves depuis plus d’un an qu’on l’utilise je dirais que je me suis trompée, mais pour l’instant on ne sait toujours pas s’il est vraiment efficace et s’il n’est pas dangereux. Est-ce que je peux me permettre, étant infirmière, d’avoir quelques doutes sur ce produit ? Est-ce que j’ai le droit aussi de protéger ma santé ?

Dans mon entourage je n’ai pas vu de gens non vaccinés aller à l’hôpital. Par contre, j’ai vu plein de vaccinés s’y retrouver. J’ai vu des gens fragiles triplement vaccinés attraper le Covid et mourir. Dès le début des vaccinations, j’ai vu une personne de ma famille décéder un jour et demi après l’injection à l’AstraZeneca ! Il n’avait pas le Covid, il n’était pas particulièrement malade. Alors évidemment on ne sait pas, mais bon, un vaccin ce n’est pas un médicament, c’est de la prévention, vous l’injectez à quelqu’un qui n’est pas malade, il doit être sans danger !

Comment peut-on avoir confiance dans un vaccin pondu comme ça à la va-vite ? On n’a aucun recul. J’ai vu des gens mourir du vaccin, j’ai entendu des témoignages de proches qui ont eu des problèmes ou de jeunes de 20 ans qui ont fait des AIT (Accidents Ischémiques Transitoires) ; c’est comme des mini AVC, c’est un caillot qui bloque la circulation d’une partie du cerveau et qui finit par disparaître, mais à 20 ans ce n’est pas normal ! Et dans les 15 jours qui suivent la vaccination, qu’ils n’arrivent pas à faire un lien entre vaccination et AIT… Moi, la première chose qu’on me demande de faire quand je donne un nouveau médicament à quelqu’un, c’est de surveiller si quelque chose se passe dans le mois qui suit l’introduction. S’il y a un rush cutané, un trouble du comportement, ou autre… On doit tout observer car il y a toujours une possible relation entre un événement et l’introduction d’un nouveau médicament. Et là, ils n’arrivent pas à faire un lien entre une injection et un AIT 15 jours après chez des gens de 20 ans ? Ou un jeune de 20 ans en bonne santé qui meurt ! Et il y a plusieurs cas comme ça ! Il aura fallu combien de temps avant de stopper l’AstraZeneca chez les jeunes, 3 mois, 4 mois avant qu’ils fassent le lien ? Je ne sais pas, mais dès le début… Un vaccin n’est pas là pour traiter une maladie, il est là pour protéger de la maladie une personne saine, il doit être sans risques.

Je ne suis pas antivax, alors que ma chef de service et ma collègue l’étaient, notamment contre la grippe. Moi pas du tout, je me vaccinais régulièrement contre la grippe, pas tout le temps mais je n’y étais pas opposée. Pourtant un jour ma chef de service m’a dit : « Ma hiérarchie me dit de me faire vacciner et que tous mes employés doivent l’être aussi. Je ne vais pas pouvoir les convaincre si moi-même je ne suis pas vaccinée, donc je vais y aller ». Je lui ai dit que moi je ne pouvais pas. Prendre le risque de me mettre en danger, là je dis non, j’abandonne, je préfère changer de métier. C’était le moment où tout le monde se soulevait en Guadeloupe, c’était le moment de dire non, et qui peut le dire, à part nous, les soignants ? Si on y va et qu’on file comme ça, c’est clair qu’on ne fera pas changer les choses. On le voit aujourd’hui, la crise est gravissime et elle s’aggrave, je ne sais pas jusqu’où on va aller.

J’ai plein de collègues qui sont allés se faire vacciner la trouille au ventre et une collègue qui les piquait au vaccinodrome leur disait : « Mais c’est normal d’avoir peur ». Je lui ai répondu : « Mais toi, tu as déjà eu peur quand tu es allée te faire vacciner contre le tétanos ? Tu as eu des doutes sur le vaccin du tétanos ? Est-ce que c’est normal d’avoir peur de se faire vacciner ? » Comment peut-on penser comme ça ? Que l’on ait peur de la maladie, du Covid, et qu’on aille se faire vacciner en ayant confiance dans le vaccin pour nous sauver, ça ce serait une réaction normale. Mais l’inverse, aller se faire vacciner la trouille au ventre parce qu’on a peur de mourir du vaccin, ou de rester malade, ce n’est pas du tout normal !

Après ma suspension je ne voulais plus travailler dans le soin, c’était fini, j’arrêtais. J’ai d’abord été factrice en intérim pendant 2 mois, en décembre, à Noël, bourré de colis, de recommandés, un truc de malade, le froid, la neige, le vent, la pluie, j’ai vraiment tout eu. Ça été le plus dur métier que j’ai jamais exercé, j’ai fondu, j’ai perdu 5 kilos en 2 mois, j’avais des vertiges tous les soirs, je n’ai pas pu continuer. J’ai eu une grosse dépression, un état d’angoisse majeur. Qu’est-ce que je vais devenir ? Qu’est-ce que je vais faire ? Comment je vais payer mon loyer ? Je ne dormais pas la nuit, je n’étais vraiment pas bien. Quand on est en pleine crise d’angoisse, c’est très dur de remonter la pente. A un moment donné j’étais tellement mal… J’ai un balcon, j’habite au 2e étage, j’ai failli me pendre. Je me suis dit que j’allais me pendre au balcon avec la blouse blanche et des trucs obscènes dessinés sur la blouse, pour bien montrer que c’est mon métier qui m’a flinguée. On a eu 2 soignants sur Chambéry qui sont passés à l’acte. Oui, 2 suicides cette année 2021, un médecin anesthésiste et un chirurgien de l’hôpital, et aussi un collègue aide-soignant. C’est passé inaperçu, les suicides de soignants on n’en parle pas.

Et puis à un moment donné j’ai repris confiance. Je me suis dit que j’avais déjà fait 50 métiers, que je m’en étais toujours sortie, qu’il n’y avait pas de raison que je n’y arrive pas. Et comme j’ai beaucoup de chance dans ma vie, des copines m’ont envoyé une annonce d’une dame qui cherchait des soignants pour s’occuper de ses parents et qui préférait plutôt des non vaccinés. Grâce à mon expérience en SSIAD j’ai pu prendre en charge sa maman en soins aide-soignante et je suis ravie de cette expérience. C’est comme ça que je suis remontée et aujourd’hui je vis au jour le jour. Je n’exerce pas en tant qu’infirmière, mais comme auxiliaire de vie en CESU, dans un cadre individuel. C’est une approche plus tranquille, plus douce autour de la personne, je rassure, j’apporte les soins d’hygiène, je n’ai pas besoin d’être affiliée à une structure et ça me permet de vivre.

Je reste quand même optimiste, même si ce qu’il se passe est très grave. C’est une très grosse crise, mais tant mieux, arrêtons de copier les trucs pourris des américains, il faut que ça pète, ça suffit ! Mais je crois qu’on peut encore descendre, que les hôpitaux peuvent fermer, qu’on va en arriver là. La sphère, là en haut, ils ne se rendent pas compte. Eux, on les sert sur des plateaux s’ils sont malades, ils vont avoir 10 médecins autour d’eux, comme à la cour du roi. Alors l’optimisme c’est de se dire : « Faisons table rase et repartons sur une meilleure base ».

Témoignage recueilli en mai 2022