Ils ont été effacés, mettons-les en lumière

Ronel

Contrôleur de gestion (Paris)

« Je ne suis liée à aucun ordre de profession médicale, je n'ai aucun contact avec les patients, ni avec les soignants, mais je devrais être vaccinée. »

Ronel a 42 ans, elle est mariée, elle a 3 enfants de 2, 6 et 8 ans. Elle exerce depuis 14 ans. Elle est suspendue depuis le 20 septembre 2021.

Je travaille dans un hôpital privé qui a un statut d’association à but non lucratif, à Villejuif (94). Je suis contrôleur de gestion à la direction financière, donc je ne suis liée à aucun ordre de profession médicale, d’infirmiers, de médecins, ou quoi que ce soit. Je n’ai aucun contact avec les patients, ni avec les soignants, mais je devrais être vaccinée, simplement parce que je fais partie du personnel d’un établissement de santé.

La situation est d’ailleurs la même pour un jardinier ou une cuisinière qui travaillent à l’hôpital.

Je suis essentiellement en télétravail, j’ai un accord pour être 3 jours par semaine chez moi et j’étais même 100 % à domicile pendant tous les confinements ; j’ai un ordinateur et tous les accès pour pouvoir travailler à la maison. A l’étage où j’ai mon bureau il n’y a pas de soignants et on a un ascenseur qui mène directement à nos services, sans aucun lien avec les soignants, ni les patients. Je rentre à l’hôpital par une entrée dédiée au personnel administratif, ce qui fait que je ne peux même pas croiser les soignants ni les patients.

Cette obligation vaccinale qui m’est imposée n’est donc pas une mesure sanitaire. En tant que contrôleur de gestion, on est dans les chiffres, on a nos logiciels et on a bien travaillé comme ça pendant presque 4 mois pendant les confinements ; tout fonctionnait très bien, on envoyait les rapports, l’hôpital n’est pas tombé. Le télétravail est une solution très facile à mettre en œuvre pour des fonctions comme les nôtres.

A partir du 12 juillet ils ont envoyé des mails une fois par semaine pour nous dire qu’il fallait se faire vacciner, sinon on allait se faire suspendre. Je me suis dit que pour moi ça allait s’arranger, que c’est normal puisque je n’ai aucun contact avec les patients, que je ne suis pas soignant et que je pouvais très bien être en télétravail, comme pendant les confinements. Je pensais que ça me serait accordé sans problème. Nous avons droit au télétravail, c’est inscrit dans la convention collective.

J’ai envoyé un message à la cellule Covid, à la direction financière, pour avoir des échanges, mais ils n’ont pas voulu me recevoir. Ils m’ont répondu : « Soit tu es vaccinée, soit tu es suspendue ». Mon responsable m’a dit : « C’est la loi, il faut respecter la loi ». Et là j’ai compris que toutes ces personnes qui font du social et qui se considèrent humaines parce qu’elles travaillent dans un centre de cancérologie, au final il n’y a rien de social là-dedans, ces personnes sont détachées de tout sentiment. Peu importe ta situation, elles s’en fichent, elles n’essaient même pas de chercher une solution. Pour ces gens-là, du jour au lendemain tu n’existes plus, tu as disparu et c’est tout. Et la vie continue…

Il n’y a plus de bienveillance, ce n’est que du zèle, les gens sont rentrés dans un système détaché de l’humain. Même dans des hôpitaux qui font des appels à la générosité et sollicitent des dons pour la lutte contre le cancer, derrière tous ceci, c’est du vide, il n’y a rien d’humain dans tout ça, on le voit bien avec le Covid. Ils travaillent dans le social, soit disant pour aider les autres, mais ils ne sont pas humains.

Le 15 septembre je suis restée chez moi, j’étais suspendue.

J’ai reçu la lettre le 20 septembre, m’informant que j’étais suspendue, sans salaire, pour défaut de présentation du certificat de vaccination et c’est tout. Après ça je n’ai plus eu de messages.

J’ai saisi le Conseil des Prud’Hommes en référé, mais ma demande a été rejetée au motif que rien ne justifiait le recours à une procédure d’urgence. J’ai 3 enfants, je n’ai plus de salaire, mais ce n’est pas un problème, il n’y a pas d’urgence à statuer et c’est tout ! J’ai éprouvé un grand sentiment d’injustice, mais je ne pouvais rien y faire. Ils m’ont donné une date pour une comparution en mars 2023 et en attendant je suis sans salaire, mais pour eux il n’y a pas d’urgence.

Je refuse d’être vaccinée parce qu’à l’époque j’allaitais ma fille. Je suis allée voir ma généraliste pour lui en parler et elle m’a dit : « Non, le vaccin ça ne passe pas dans le sang, allez-y et vous pourrez continuer d’allaiter votre fille ». Pendant mes 3 grossesses il ne fallait même pas prendre de Doliprane et là, je devrais prendre quelque chose qui est encore en AMM conditionnelle ! Cette femme essayait de me convaincre que rien ne passe dans le sang, mais moi je me suis dit que je n’allais pas risquer la vie de ma fille à cause de l’argent.

L’argent c’est quoi finalement ? Bien sûr ça nous tient, ça aide à rester debout, mais la vie de mes enfants vaut mieux que ça. Donc j’ai refusé et voilà ce qui a conduit à la suspension.

Depuis, j’ai revu le médecin et maintenant, avec le temps, c’est prouvé que l’ARN passe bien dans le sang.

Je ne suis pas contre la vaccination, je suis vaccinée, mes enfants ont leur carnet de vaccination à jour, mais ce vaccin à ARN messager, il est encore en phase de test ! Pour moi ce n’est pas fiable, je ne vais pas m’injecter quelque chose qui est toujours en cours d’essais.

Et puis j’ai eu le Covid, en septembre 2020, avec la première souche, l’alpha. J’étais asymptomatique, l’hôpital savait que j’avais le Covid et à l’époque on devait rester à la maison 14 jours. J’aurais pu rester sans rien faire en étant payée, mais je voulais leur rendre service et travailler pour ne pas les pénaliser. Mes supérieurs étaient bien contents que je continue à travailler pour eux bien que je sois en arrêt maladie. Là, par contre, ils m’ont accordé le télétravail et ça ne gênait personne.

J’ai donc acquis une bonne immunité. En janvier 2022 j’ai refait un test d’immunité et j’avais toujours un taux très élevé d’anticorps. J’ai envoyé ce résultat à la DRH, mais ils n’en veulent pas. En même temps, je suis allée voir mon médecin généraliste pour lui demander de me faire une attestation disant que j’ai bien eu le Covid et que j’ai encore des anticorps très élevés. Il a refusé en disant que ce n’est pas scientifiquement prouvé ! Donc j’ai laissé tomber.

Récemment, j’ai encore vu mon médecin, parce que j’ai un souffle au cœur. Il m’a fait un certificat de contre-indication à la vaccination Covid, mais la direction de l’hôpital l’a refusée, ils me disent que je dois me faire vacciner et après on verra… Je me suis adressée à la CPAM et pareil, ils m’ont dit qu’un souffle au cœur ça ne fait pas partie des contre-indications.

Ce n’est même plus sanitaire et il n’y a même plus d’humanité dans toutes ces règles et ces décisions.

On est sorti de l’état d’urgence, le vaccin est toujours en phase d’essai, j’ai une très bonne immunité, j’ai un souffle au cœur, je peux travailler en télétravail, mais tout ça personne ne veut l’entendre. Donc je reste sur ma position et je n’abandonne pas le combat. Ils pensent peut-être m’affaiblir en me privant de salaire, mais mon mari m’aide et ça me pousse à aller plus encore dans le combat, à ne pas les laisser m’écraser.

Si je n’obtiens rien aux Prud’hommes, je continuerai sur une autre juridiction, mais je ne démissionne pas. Je resterai dans les effectifs un peu fantômes, mais je ne lâcherai pas mon combat avec l’hôpital, parce que ce qu’ils font est inhumain.

Dans cet hôpital ils n’ont pas de cœur. Ils s’abritent derrière une réputation de soins aux patients, mais ce n’est pas ça. Moi, je pourrais très bien me retrouver patient un jour. Je ne conseillerais à personne cet hôpital, parce il n’y a pas d’humanité derrière tout ce qu’ils font.