Ils ont été effacés, mettons-les en lumière

Marie

Infirmière (Charente-Maritime)

« J'ai découvert le pire et le meilleur de l'être humain, je ne garde que le meilleur. »

Marie est âgée de 44 ans, elle est mariée et mère de 2 enfants. Elle a exercé pendant 17 ans, dont 6 ans dans l’armée de l’air, 9 ans en libéral, 2 ans en remplacements comme salariée dans deux EHPAD et aussi dans une association médico-sociale. Elle est suspendue depuis le 30/11/2021. Elle a également un cabinet de pratiques traditionnelles chinoises de coaching et d’accompagnement à l’aide du cheval.

Première vague, de mars à mai 2020, je travaillais en EHPAD et aussi à mi-temps dans un IME (Institut Médico Educatif), en accueil le week-end d’enfants déficients intellectuels.

C’était trop bizarre d’être seule sur la route pour aller travailler. Je me rappelle qu’en revenant de l’EHPAD, le soir, je me mettais devant la machine à laver et j’enlevais tous mes habits pour les laver aussitôt. J’avais beaucoup d’empathie pour les patients de l’EHPAD, car ils n’avaient plus de visite, ils étaient enfermés dans leur chambre avec des doses de traitements psychotropes augmentées pour les calmer. Ils ne partaient plus à l’hôpital, sauf à de rares exceptions. Ils étaient donc soignés par le médecin de l’EHPAD, présent à temps complet pendant cette période, et par l’équipe soignante, avec les moyens limités dont l’EHPAD disposait. Plusieurs fois je me suis dit que si j’avais mes parents ou beaux-parents en EHPAD, je les aurais aussitôt récupérés à la maison.

Pour les enfants c’était pareil. Certains ne voyaient plus leurs parents ou leurs familles d’accueil depuis le début du confinement, en mars 2020. Et malgré les mesures sanitaires, je ne pouvais m’empêcher de leur faire des câlins sans masque. Pour moi, le câlin véritable était un soin à part entière.

Les enfants dont je m’occupe ne voient que très rarement, ou pas du tout leurs parents, mais ils sont quand même sous leur autorité parentale. Donc je savais que le 31 août ils ne pourraient plus faire d’activité, car la plupart de ces activités serait soumise au pass sanitaire et pour avoir le pass sanitaire il faut soit faire un test, soit être vacciné. Mais pour vacciner un enfant ou lui faire un test il faut une autorisation parentale. Ces enfants, qui dans la grande majorité ne voient pas leurs parents, n’auraient pas d’autorisation pour faire soit le vaccin, soit les tests et donc ils seraient mis encore un peu plus à l’écart de la société. Je m’étais dit que si beaucoup de soignants refusaient, le gouvernement ferait marche arrière, pour nous et pour les enfants. On connaît la suite…

Pendant ma période d’exercice en infirmière libérale (2010-2019), je sentais déjà les faiblesses du système de soins classique. Depuis bientôt 10 ans, je me forme à des techniques d’accompagnement alternatives, comme les pratiques traditionnelles chinoises ou le coaching pour prendre soin de l’autre de façon différente. J’ai mon cabinet en activité indépendante depuis 5 ans et aujourd’hui je propose un coaching pour accompagner les soignants suspendus, afin qu’ils soient dans les meilleures conditions, émotionnelle, physique et mentale, pour retrouver une activité de cœur.

Prendre soin de l’autre est notre mission de vie.

Quand le 15 septembre est arrivé ma cheffe de service était dégoûtée, car elle appréciait mon travail et voulait me donner plus d’heures de travail. Je n’ai donc eu aucune pression de sa part, ni de sa hiérarchie.

Avec les collègues par contre ce fut terrible, car j’avais le sentiment que nous formions une équipe soudée. Nous étions deux, ma collègue aide-soignante et moi, écartées du service le 15 septembre et le weekend précédent j’avais travaillé. Comme c’était mon anniversaire j’avais apporté des gâteaux pour mes collègues et pour les enfants. Tout s’était très bien passé, dans une ambiance cordiale et amicale, mais dès le lendemain nous avons été mises à l’écart par les collègues, jusqu’à être virées du groupe Facebook du service sans nous prévenir. Mon éviction du service fut un véritable déchirement. Cet événement a résonné en moi comme un mélange d’abandon, de rejet, d’inhumanité, de désolidarisation, d’incompréhension et de trahison. J’étais en état de choc, c’est-à-dire que le lendemain matin je me suis retrouvée dans mon lit, les membres fourmillants mais dans l’impossibilité de bouger. J’ai cru un moment que mon cœur allait s’arrêter de battre. En même temps j’avais toute ma tête et je ne voulais pas réveiller mon mari, car il aurait paniqué et appelé les urgences. Après de longues minutes j’ai réussi à retrouver mes esprits grâce à des exercices de respiration en cohérence cardiaque. Cet état de choc traumatique a duré 3 jours. J’étais physiquement là, mais totalement vidée mentalement. Puis j’ai réussi à me reprendre.

Je refuse le vaccin Covid pour deux raisons :

1 – En soutien à ces enfants de l’IME où je travaillais, car ils ne peuvent plus participer aux activités, pour les raisons administratives évoquées ci-dessus. Je pense que l’on n’a pas suffisamment pensé à ces enfants doublement punis. Ils vivent en institution la semaine et sont privés de sortie le weekend car ils n’ont pas de pass. Ils sont donc doublement coupés du monde, des relations sociales, des plaisirs des activités extérieures.

2 – Pour donner l’exemple à ma fille, car je ne voulais pas la faire vacciner avec un traitement en AMM conditionnelle. En tant qu’adulte référent j’ai pratiqué avec elle le « Faites ce que je dis et ce que je fais ». Elle et mon mari ne sont pas vaccinés à ce jour et je pense avoir contribué à leur choix en allant jusqu’à sacrifier mon travail pour les encourager dans leur décision de refuser cette vaccination en AMM conditionnelle.

Depuis le mois de juillet 2021, j’ai découvert le pire et le meilleur de l’être humain, je ne garde que le meilleur. J’ai le soutien inconditionnel de mon conjoint et de certains amis, je mets mes connaissances au service de mes sœurs d’infortune, je vis de très beaux moments de solidarité et je fais de magnifiques rencontres, dont celle de Maître Di Vizio. Régulièrement, dans mes rêves, je retourne dans mon service et je fais des câlins à « mes » enfants. J’ai fêté mon diplôme d’infirmière fin novembre 2021, bien au chaud à la maison.

Gratitude, humanité, solidarité, je veux prendre toutes les énergies positives et la lumière, qui sont et seront mises sur ma route dans ma nouvelle vie.