Ils ont été effacés, mettons-les en lumière

Elisabeth

Psychologue (Pyrénées-Atlantiques)

« Toutes les mesures prises au fil des mois, c’était avant tout une façon de tester la soumission des populations. »

Elisabeth a 60 ans, elle est mère de deux enfants, indépendants aujourd’hui. Elle vit en couple avec son mari, professeur d’art-plastiques. Elle a toujours exercé dans le secteur médico-social ou sanitaire, soit sur le terrain, soit dans la formation professionnelle, pour être au plus proche de l’Humain. Au moment de l’obligation vaccinale, elle partageait son temps de travail entre un EPHAD à Hasparren et un service de psychiatrie de l’Hôpital de Bayonne. Depuis septembre 2021, elle alterne entre périodes de suspension et périodes de travail, grâce à des certificats de rétablissement.

Aînée d’une fratrie de 8 enfants, j’ai très vite développé le goût du partage et de l’entraide. Accompagner les autres a toujours été dans mes habitudes de vie. Très jeune, je me suis rapidement engagée dans des associations auprès de personnes vulnérables, notamment dans le milieu du handicap, et parallèlement dans la militance active en milieu étudiant et avec les féministes. C’est donc très naturellement que je me suis orientée vers un métier qui allait me nourrir dans ce sens.

En février 2020 je suis tombée sur un reportage où J.J. Crèvecœur évoquait tout ce qui allait suivre dans les mois à venir. Une forme de dystopie qui parlait de la pandémie, des confinements et de l’obligation vaccinale et surtout des enjeux géostratégiques et financiers. Bien que consciente de beaucoup de choses, j’étais quand même atterrée. Rien n’était encore advenu, aucune mesure liberticide n’avait été mise en place, on entendait juste parler de la Chine. J’ai eu bien du mal à l’entendre, je n’en croyais rien et pourtant ça m’a mise en alerte, comme si je pressentais que ce qui semblait de l’ordre du complot allait finalement survenir. J’ai commencé à vivre encore plus sobrement, comme s’il fallait que je me prépare à vivre avec rien, et inconsciemment je me préparais déjà à lutter.

Je n’ai jamais eu de télévision, je ne suis adepte ni d’informatique, ni des réseaux sociaux, mais pourtant, par hasard encore une fois, j’ai écouté en mars 2020 une courte interview du professeur Luc Montagnier. Il parlait de séquençages, d’un virus construit de tout pièce, bref, il allait dans le même sens que ce que j’avais entendu en février ! Mais ce qui m’a le plus choquée, c’est d’entendre comment les journalistes le traitaient, suggérant qu’il était devenu sénile. Comme si ce chercheur parlait aux médias pour se rendre intéressant ! Il venait avec des informations capitales et on le traitait de sénile ! J’étais déjà très critique vis-à-vis des médias et je ne m’informais que par les médias alternatifs depuis fort longtemps, mais là le virage qui s’amorçait était d’une autre envergure. Il ne s’agissait plus de mensonge par omission, mais bien de manipulation.

Les semaines et les mois suivants, j’ai été spectatrice de ce qui était annoncé dans ces documentaires. Tout devenait réalité. C’était hallucinant. Toutes les mesures prises au fil des mois étaient complètement ridicules, je ne pouvais pas y adhérer. Le confinement, les sorties avec des documents d’auto-attestation, le masque, les interdictions de prescription pour les généralistes, le discours médiatique uniforme, les essentiels et les non-essentiels… J’ai vécu tout ça comme si c’était un cirque grandeur nature !

Je pense que c’était, avant tout, une façon de tester la soumission des populations et ce qui m’a touchée c’est que ça marchait. Les gens y croyaient ! Mais comme je n’y croyais pas du tout, comme je n’avais pas peur, je n’ai jamais pu respecter la plupart de ces directives, même dans mon milieu professionnel. Les personnes âgées que j’accompagnais avaient besoin de contact, je les prenais dans mes bras, aucune n’a jamais eu le Covid pendant ces premiers mois. Il a fallu attendre la vaccination pour que certaines l’attrapent. D’ailleurs je me souviens de ces personnes qui refusaient la vaccination et qui, sachant mon positionnement, venaient chercher du soutien. Nous avons vécu des moments très forts.

Et puis comme j’avais déjà l’habitude de me soigner de façon alternative, je savais ce que je pouvais prendre ou conseiller à mes proches s’ils avaient des symptômes. Surtout pas de doliprane ! J’avais déjà vécu la crise de la grippe H1N1 comme une belle supercherie, tous les enfants handicapés de l’établissement où je travaillais avaient été conduits en convoi dans un vaccinodrome. Une honte pour moi, qui a laissé des traces. J’œuvre depuis longtemps auprès de personnes vulnérables, je suis sensible à la différence et d’autant plus quand elle stigmatise.

Je sais aussi depuis longtemps que les règles sont édictées le plus souvent pour servir les plus forts, ceux qui ont le pouvoir et n’ont qu’un souhait, le garder. Alors, quand accueillir des migrants sans papiers devient un délit, là encore je ne peux pas suivre, je les ai accueillis et je continue. Quand les violences faites aux femmes sont invisibilisées, qu’aucune mesure n’est prise pour les enrayer, là encore on est dans la même logique. Soumettre le faible pour servir le pouvoir de celui qui se pense le plus fort, au détriment des autres ! Mais ceux qui m’intéressent, ce sont les autres.

Je ne pensais pas que Macron allait rendre la vaccination obligatoire. Je me suis bien trompée. Je n’ai compris que le 12 juillet qu’il était au service des multinationales pharmaceutiques. Pourtant, lors de sa campagne électorale j’avais été choquée qu’il puisse mettre dans son programme que, lui élu, les 11 vaccins seraient rendus obligatoires aux enfants. A ce moment j’avais juste pensé : « Voilà comment il a pu financer sa campagne ».

Après l’annonce du 12 juillet 2021 j’ai vécu quelques jours de confusion, puis j’ai retrouvé mes esprits et fort heureusement, mi-août, j’ai rencontré des soignantes résistantes et j’ai intégré leur collectif local. Je n’étais plus seule. Il fallait s’organiser, soutenir celles et ceux qui craquaient. Nous avons été très actives. Rapidement je suis devenue leur porte-voix au niveau des médias, auprès des instances hiérarchiques de l’hôpital, des élus/es…

Parmi mes collègues beaucoup avaient peur de se montrer. Pour ma part ma position était claire, tous mes collègues, tous mes patients savaient que je ne me ferais jamais vacciner, je n’avais donc rien à craindre, rien à cacher. Présente aux manifestations du samedi, je rencontrais beaucoup de citoyens, les échanges étaient riches et même si nous ne partagions pas les mêmes orientations politiques, nous avions une analyse similaire de la situation.

Mon conjoint a toujours été très solidaire de ma démarche, nous avions la même lecture de la situation. Nous étions juste inquiets que cette obligation vaccinale puisse s’étendre à d’autres corps de métiers. Deux suspendus, la situation aurait été critique, mais malgré tout nous étions prêts. Il a alors rencontré des amis pour savoir comment ils se positionnaient sur l’obligation vaccinale. Tous partageaient les mêmes doutes et surtout nous avions tous une incompréhension majeure. Pourquoi notre société Basque ne se mobilisait-elle pas davantage ? Une société qui a un tel passé conflictuel avec les méthodes gouvernementales, qui sait les mensonges, la manipulation… Alors pourquoi ce silence, pourquoi cette soumission ?

Avec ces quelques amis nous avons lancé un appel lors de la manifestation du 4 septembre. Et dès le 6 septembre un premier petit groupe de citoyens s’est réuni à la maison. C’est ainsi que, petit à petit, nous avons créé le collectif « Ez Pass de liberté ! Nora goaz ? », qui veut dire : « Non au pass ! Où allons-nous ? ». Ce collectif compte aujourd’hui 77 citoyens actifs et 750 adhérents, il se réunit une fois par semaine pour analyser, dénoncer, organiser des conférences, se soutenir. Bref, un groupe de personnes conscientes, actives et bienveillantes.

Parallèlement, avec les personnels suspendus nous avons créé l’association « Le Droit de Choisir » afin, là encore, de réunir et de soutenir celles et ceux d’entre nous qui sont dans le besoin. Je suis devenue référente du Syndicat Liberté-Santé dans le cadre de cette association. Il s’agit de gérer les dons et de répondre aux urgences des personnels suspendus. Tous les samedis nous étions à la manifestation de Bayonne. Nous informions sur la situation à l’hôpital, et nous tenions la « Kutx ». Nous vivions alors en direct la solidarité des citoyens, une solidarité financière entre-autre qui nous a permis d’aider, sur notre territoire, plus de 30 soignants le plus souvent isolés, de familles monoparentales confrontées au quotidien, sans perspective… « Accueillir » la difficulté de demander l’aumône, encourager ceux et celles qui assumaient leur choix mais le vivait difficilement, tel a été mon quotidien pendant tous ces mois.

Je me sentais privilégiée, j’avais un conjoint solidaire, une sécurité financière pour quelques mois, j’étais à deux doigts de la retraite, je ne pouvais pas me plaindre. Aider, soutenir me galvanisait et me donnait de la force.

Si je dois évoquer mes sentiments à l’époque, je peux dire que j’étais surtout en colère, mais une colère froide, lucide. Ce que je vivais là donnait crédit à l’analyse que je faisais depuis déjà bien longtemps : s’ils n’ont pas fait une lecture critique du fonctionnement de notre société, celles et ceux que nous élisons ne sont pas là pour prendre soin de nous, mais pour être au service des puissances financières qui dirigent le monde.

Consciente des enjeux géopolitiques, je savais que la bataille allait être rude, mais je ne pouvais qu’être du côté des résistants, je ne pouvais pas m’incliner. Ne pas avoir peur, vivre avec l’obligation de rester lucide sans tomber dans la déprime, mais au contraire y puiser la force pour continuer à lutter et rester droite dans mes bottes, voilà ce qui m’animait et qui m’anime toujours. Cette crise m’a permis de rencontrer beaucoup de belles personnes, mais aussi de constater que d’autres se soumettaient, croyaient au discours dominant. J’ai gardé ma ligne de conduite et j’ai fait le pari de ne pas juger (enfin j’essaie), d’être attentive et d’accueillir leurs peurs.

J’ai eu l’occasion de revenir sur mes lieux de travail pendant 8 mois, car j’ai eu le Covid. Une grosse grippe, soignée avec les médicaments interdits, mais nous avions des médecins courageux autour de nous. Je me suis donc retrouvée dans mon milieu professionnel, hôpital psychiatrique d’un côté, EHPAD de l’autre. Plutôt bien reçue par mes collègues, je faisais figure de résistante pour les uns, de veinarde pour les autres, et pour certaines ce n’était pas juste que je puisse reprendre car je n’avais pas subi ce qu’elles avaient subi. C’est à dire la vaccination contrainte et forcée !

Dans l’incapacité de jouer la carte de la solidarité auprès de mes collègues, qui ne pouvaient pas envisager d’action collective, je me suis concentrée sur les patients et résidents. Ils subissaient le stress généré par l’absence de personnel et les conditions dégradées que cela générait. J’ai fait de mon mieux pour les soutenir, en gardant ma ligne de conduite. Toutes et tous connaissaient mon point de vue et savaient que je continuais à me battre. J’ai reçu des encouragements très touchants de la part de personnes très âgées, refusant elles aussi la vaccination.

Un second Covid bénin m’a permis de poursuivre encore 4 mois, mais le cœur n’y était plus. Je voyais le rouleau compresseur avancer de plus en plus et je sentais que rien ne pouvait l’arrêter à l’intérieur du système. Chacune, chacun appliquait les consignes, contrôlait, se faisait le chantre de mesures de plus en plus stupides alors que, dans les faits, vacciné ou pas ça ne changeait rien à rien.

J’ai été témoin d’effets secondaires patents, que peu de soignants mettaient sur le compte de la vaccination. J’ai vu des collègues vaccinés qui tombaient malades, des tests systématiques que les autres devaient faire et qu’on imposait aux patients, des personnels malades mais asymptomatiques qui travaillaient malgré tout pour pallier le manque chronique de professionnels…

Le monde du soin ne tournait plus rond, la bienveillance avait disparue, la suspicion prenait la place, mais aussi l’impuissance et la fatigue qui empêchent toute réflexion, et même une forme de désengagement pour ne plus souffrir ! Je ne pouvais plus cautionner ce système, la fin de mon second certificat de rétablissement m’a permis de m’en extraire et de proposer bénévolement mes services à des patients ou à leurs familles.

Et je suis redevenue activiste.

Je garde au fond de moi l’intime conviction qu’à un moment la société civile va se réveiller et s’apercevoir qu’elle a été bernée, qu’elle a servi de cobaye à des firmes qui n’ont d’autre objectif que de gagner de l’argent sur le dos des humains que nous sommes. Un cheptel à gérer, comme on l’a fait avec les animaux et avec tout ce qui compose la nature. C’est ce qu’un vieil ami paysan au Pays Basque nous expliquait, il y a déjà des années, et qui est décédé au cours de cette folie sanitaire, faute de soins adaptés.

Je ne veux pas participer à cette marchandisation du vivant. Je veux rester libre et participer à mon niveau à faire progresser cette idée de fraternité, de sororité. C’est la seule chose qui vaille, c’est ce qui me fait vibrer et me rend heureuse.