Ils ont été effacés, mettons-les en lumière

Agnès

Ergothérapeute (Essonne)

« Dès l’annonce du 12 juillet, j’ai senti que nous allions vers une période très sombre, où les droits fondamentaux des humains allaient être piétinés. »

Agnès a 51 ans, elle vit en couple, avec ses deux jeunes de 22 et 24 ans, encore à charge. Spécialisée en gériatrie, elle est suspendue depuis le 15 septembre 2021, après 25 ans d’exercice.

Dès le début de la crise sanitaire j’étais « au front ».

En tant que soignante du secteur de la Santé Publique, avec l’application du Plan Blanc j’étais mobilisable, mais je me suis aussi portée volontaire pour venir travailler pendant les confinements, y compris les week-ends. Pour moi cela avait du sens.

J’étais sereine, je n’ai pas eu peur de ce virus. Dès le départ j’ai renforcé mon système immunitaire, comme je le fais tous les ans face aux épidémies de grippe, de gastros… Je travaille en gériatrie, avec des personnes âgées immunodéprimées porteuses de bactéries multi-résistantes possiblement dangereuses pour nous, et inversement, ces personnes sont également vulnérables. Donc nous, soignants, avons l’habitude de renforcer notre immunité avant que les virus n’arrivent. Il y a des choses de base, qu’on connait, naturelles, qui ne sont pas forcément couteuses, comme se supplémenter en vitamines et après c’est à nous d’avoir une bonne hygiène de vie, de dormir suffisamment, etc. J’ai côtoyé des gens qui avaient le Covid, j’ai respecté les gestes barrières, j’ai porté le masque, y compris le FFP2 dans lequel j’étouffais comme tout le monde, et ça s’est très bien passé. Résultat, sur les périodes des deux vagues où j’étais encore en activité, je n’ai pas eu un seul arrêt maladie. J’étais là. J’ai assuré. J’ai fait mon boulot, y compris sur l’Unité Protégée, dédiée aux personnes testées positives, où peu de collègues voulaient aller du fait de l’existence d’un foyer de contamination. Au niveau professionnel, je n’ai rien à me reprocher.

Durant cette période, 90 % de mes collègues étaient tétanisés. Contrairement à moi ils avaient très peur ; j’avais un peu l’impression d’être une extraterrestre… Alors quand on leur a proposé le vaccin ils ont sauté dessus. D’autant que les documents de l’ARS étaient très rassurants : selon eux, les vaccins étaient efficaces à 90 %, sans effets secondaires, la technologie ARNm avait 20 ans de recul, etc. Rassurant, sauf que je me suis dit : « Ce sont des gros labos, cotés en bourse, il y a peut-être du business derrière tout ça. Je trouve un peu étonnant qu’on propose un vaccin aussi vite, sans recul ». Je me suis renseignée par les médias indépendants et effectivement, les informations que j’ai eues ne m’ont pas incitée à la confiance. J’ai considéré qu’il y avait une prise de risque beaucoup plus importante à me faire vacciner qu’à renforcer mon système immunitaire.

Tout en respectant le choix de chacun, j’ai donc dit à ma hiérarchie et à mes collègues que j’attendais, car je souhaitais avoir plus de recul. Au départ ils ont été tolérants, il y avait un respect mutuel, puis peu à peu j’ai senti que les discussions entre soignants alimentaient la peur : « Ah, untel est mort du Covid ! » Alors j’ai fait le choix de prendre mes distances par rapport à ça.

Pour moi le vaccin n’est pas une fin en soi. Je suis pour la prévention, les ergothérapeutes travaillent beaucoup sur la prévention des risques. Renforcer son système immunitaire au quotidien, avoir une vision holistique des choses, être bien suivi régulièrement par son médecin afin d’éviter de se retrouver en situation de grande fragilité, et surtout laisser les médecins soigner ! J’ai été choquée que l’on empêche les médecins de traiter les patients atteints du coronavirus en primo infection. Il y avait des médicaments, il y avait des outils, pourquoi a-t-on interdit leur usage ? C’est cela qui m’a alertée, ça m’a franchement dérangée. Pareil pour le suivi médical après la vaccination. En phase expérimentale on peut avoir des effets secondaires, il faut surveiller !

Dès l’annonce du 12 juillet, j’ai senti que nous allions vers une période très sombre, où les droits fondamentaux des humains allaient être piétinés allègrement. J’ai très vite décidé, en conscience, de ne pas me mettre en arrêt maladie ; j’ai voulu rester intègre et assumer cette décision. Cela faisait sens avec mon parcours de vie. Je me suis positionnée pour les Droits de l’Homme, pour le respect de l’Humain, pour la Liberté, en assumant tous les risques, y compris la perte de mon revenu. J’avais un salaire très correct, mais aussi deux crédits et deux grands enfants, dont un étudiant, qui ne sont pas encore indépendants financièrement.

Quelques semaines avant ma suspension j’avais eu mon entretien d’évaluation. J’étais au top, que du positif, selon ma DRH j’étais un bon élément, j’apportais une dynamique dans l’équipe, j’étais une personne ressource pour les personnes âgées et pour toute l’équipe. Malgré ça, j’ai été convoquée par le directeur de l’hôpital qui m’a annoncé ma suspension en me disant « Vous savez, moi je suis juste un exécutant, je n’ai rien contre vous ». Mais il m’a fait signer un document précisant que je n’avais plus le droit de travailler, plus droit à rien, ni à prendre mes vacances, ni à bénéficier de mon ancienneté, ou de mes primes habituelles liées à ma ponctualité, à la qualité de mon travail…

C’est extrêmement violent à vivre, c’est de la maltraitance, c’est juste inadmissible ! Alors par respect pour moi-même j’ai décidé de me défendre et d’engager un recours juridique avec l’aide d’un avocat, contre l’hôpital mais aussi contre le gouvernement, car cette loi du 5 août 2021 viole trop de valeurs fondamentales, donc je me positionne contre et je vais continuer à le faire, coûte que coûte.

Spécialisée en gériatrie depuis 25 ans, j’avais déjà constaté une dégradation de qualité de soins apportés aux personnes âgées, en particulier aux personnes vulnérables ou polyhandicapées. Il y a de moins en moins de qualité de soin, de moins en moins de prise en compte de la santé des personnes, car la santé ce n’est pas seulement de ne pas avoir une maladie, comme ici le coronavirus. C’est aussi d’avoir du lien social, de pouvoir continuer à voir sa famille, de se réaliser en tant que personne, à travers une activité qui a du sens pour soi, c’est avoir la liberté d’aller faire un tour dans le jardin parce qu’on a envie de s’aérer, pouvoir dire NON si quelque chose ne vous convient pas… Et tout ça je l’ai vu piétiné ! Ils ont tous été vaccinés, mais leur bien-être a été piétiné !

J’ai été témoin de la souffrance des personnes vulnérables, dépendantes d’un système institutionnel, et qui n’avaient pas le choix. J’étais désolée de proposer des séances de gym douce en leur imposant un masque, alors que ces gens avaient déjà du mal à respirer, désolée de devoir répéter à des personnes qui oublient au fur et à mesure des consignes et toutes sortes de protocoles dénués de sens et très contraignants, avec des résultats nuls. On a fait ce qu’on a pu, mes collègues et moi pour prendre soin des gens dans des conditions qui n’étaient vraiment pas idéales, et quand je dis prendre soin des gens c’est à tous les niveaux. Parce qu’on n’est pas seulement un corps, on est aussi un esprit, une âme, un être humain avec son histoire, ses besoins, ses désirs, et jusqu’au bout… Voilà, jusqu’au bout… Et je tiens à rester dans ces valeurs-là.

Une des choses qui m’a le plus sidérée, c’est quand j’allais dans l’unité protégée m’occuper de personnes atteintes de maladies neuro dégénératives, Alzheimer évolué, etc. J’arrivais masquée, avec la charlotte sur la tête, déguisée en cosmonaute. Alors bien sûr il fallait que je me rapproche de leurs oreilles pour qu’ils m’entendent bien, mais ils ne voyaient que mes yeux, et il fallait qu’ils arrivent à décoder mes mots, le sens de mes phrases, ce qui n’est pas évident pour une personne qui a une maladie d’Alzheimer évoluée. Ça me désole qu’ils aient dû faire encore cet effort d’adaptation, en plus de toutes les contraintes qu’ils avaient déjà, mais ils l’ont fait ! Je dis Chapeau à nos patients, je dis Bravo à tous ces gens, car il fallait user d’imagination pour garder le lien, c’était vraiment un défi !

Aujourd’hui, ma situation n’est pas simple bien sûr. On m’a empêché de travailler dans le métier que j’ai exercé toute ma vie, dans lequel j’ai acquis 25 ans d’expérience. A 51 ans, je dois donc faire le pari de développer d’autres compétences, de rebondir dans un nouveau métier. Grâce à une agence d’intérim, j’ai pu travailler à la Poste, au centre de tri. Pendant trois mois, j’ai mis mon réveil à 4 h20 du matin exactement et j’ai travaillé avec les autres, à trier du courrier. Je suis reconnaissante qu’on m’ait donné cette chance d’avoir un revenu, même s’il était inférieur à mon ancien salaire. Mais ce contrat n’ayant pas été renouvelé, il faut maintenant que je trouve autre chose. Quel va être mon avenir ? Est-ce que je vais pouvoir rembourser mes prêts ? Est-ce que je vais pouvoir répondre aux besoins de mes enfants ? Cela reste des questions d’actualité…

Je ne sais pas si j’aurai de nouveau l’opportunité d’exercer mon métier, mais en tout cas mon souhait c’est de travailler en respectant mes valeurs. Je ne regrette pas, je reste en confiance par rapport à ce que peut m’apporter la vie et mes ressources personnelles, mais c’est presque une démarche de foi… C’est carrément un saut dans le vide. Concrètement.

Témoignage recueilli en février 2022