Ils ont été effacés, mettons-les en lumière

Benjamin

Infirmier en psychiatrie (Lot-et-Garonne)

« J’avance à petit pas tous les jours. Sur un chemin que j’ai choisi. Et si la montagne se révèle être de taille… derrière… il y a la mer. »

Benjamin a 34 ans. Célibataire, infirmier en hôpital psychiatrique depuis 5 ans, il est suspendu et en arrêt de travail pour dépression depuis le 17 août 2021.

Avant la première vague, je travaillais dans un service de crise en psychiatrie. Nous avions des admissions quotidiennes pour des crises psychiques. Elles pouvaient être d’ordres suicidaire, d’ordre psychotique, des troubles du comportement avec mise en danger de soi ou d’autrui, des bouffées délirantes aigües. Il pouvait y avoir des personnes atteintes d’Alzheimer, des adolescents en fugue, toutes sortes de patients. On souffrait déjà du manque de considération de nos hiérarchies. Le système étant très protocolisé avec très peu de place pour l’humain. Dès qu’on proposait de mettre en place des choses simples au profit de tout le monde, des patients, soignants, ou administratifs, c’était toujours étouffé dans l’œuf. Un système restant sourd à l’humain, à ce qu’il vit. Ça c’était avant la première vague.

Quand la première vague est arrivée, ça a été l’hystérie dans notre service. Toutes les entrées passaient par notre unité, c’était le premier filtre d’admission de l’hôpital. Les directeurs administratifs, la directrice des soins, les cadres et bien sûr bon nombre de médecins se retrouvaient à être les acteurs d’un balai incessant. C’est dans notre service qu’au départ ont été stockés les masques FFP2 et on a vu des médecins, des administratifs venir les voler en douce. Les gels et autres équipements disparaissaient, récupérés par des administratifs au détriment des soignants et des patients. Ça, on l’a vu de nos propres yeux !

D’un autre côté, un syndicat nous sollicitait pour témoigner de ces observations. Mais témoigner de ces agissements, c’était évidemment s’exposer à des sanctions. Ne plus pouvoir accéder à un service ou à une évolution de carrière désirée. Evidemment les soignants étaient en colère, mais une colère intériorisée. Une agressivité tournée uniquement vers soi-même.

Les protocoles changeaient d’un jour à l’autre. Un coup il ne fallait pas mettre de masques, un coup il le fallait, ils nous rendaient complètement fous. Aucun discours rationnel, rien de sensé.

Comme tous mes collègues j’ai très mal vécu cette période (et là il n’était pas encore question de vaccin) mais en fait c’est l’accélération d’une logique de destruction de l’hôpital public et de la communication ; d’un mal-être régnant depuis des années.

Les offres d’emploi sont si peu visibles que personne ne postule, on n’embauche plus et on manque de personnel soignant. Pour combler les carences on remplace les soignants par des administratifs, jamais au contact des patients, mais qui vont faire des protocoles. Nous perdons notre rôle, nous ne sommes plus que des robots. On est pourtant formés à avoir un libre arbitre, une capacité de réflexion, mais tout cela est mis de côté. Aujourd’hui on privilégie le protocole pour se mettre en sécurité : on préfère faire une bêtise tout en le sachant, mais en respectant le protocole, plutôt que de ne pas faire cette bêtise mais sortir du protocole.

Dans mon environnement professionnel, j’ai ressenti beaucoup de solidarité parmi les soignants. Dans mon service on était clairement majoritaires à ne pas vouloir de la vaccination (enfin de ce qui est appelé vaccination par les médias…) et c’était à peu près comme ça dans tous les autres services. Mon hôpital compte plus d’un millier de personnes et on était plus de cinq cent à ne pas être vaccinés avant que le président dise : « soit vous vous vaccinez, soit vous n’avez plus de salaire ». C’est ça clairement qui a poussé les gens à la vaccination ! Quand on attaque les besoins premiers, avoir de quoi manger, avoir un toit sur la tête… Ils y sont allés à reculons, certains en pleurant, certains en se faisant accompagner par leurs collègues, d’autres ont attendu le dernier moment en espérant que le gouvernement ferait marche arrière. Il y en a qui sont revenus avec le sentiment de s’être fait violer ! Ça je l’ai entendu plusieurs fois. Aujourd’hui ils travaillent mais ils se sentent souillés ! Ça ne s’est pas passé sans mal, et donc j’ai senti une solidarité, bien qu’ils aient cédé en fait. Et c’est toujours le cas aujourd’hui, la solidarité est restée.

Donc NON ! Ce n’est pas une prise de conscience de la part des infirmiers, ils ne se sont pas responsabilisés en se vaccinant comme veulent le faire croire les médias et le gouvernement. Ils ont été contraints par la force et aujourd’hui beaucoup se sentent souillés ! J’ai encore des contacts avec des personnes de mon service, y compris de celles qui étaient favorables et qui faisaient même campagne pour la vaccination. Toutes se sentent clairement mal à l’aise par rapport à la montée de la violence dans les propos médiatiques. Cela ne leur correspond pas, il n’y a pas d’opposition entre vaccinés et non vaccinés, et inversement, ça c’est faux, la plupart des soignants restent solidaires.

J’ai l’impression qu’au sein de la population il y a une prise de conscience sur le monde dans lequel on vit. Moi je ne l’avais jamais vécu bien sûr, ou pas de manière aussi frontale, mais on le voit à travers les livres d’histoire. A certains moments il y a eu des clivages entre les populations, des manipulations, ça a toujours existé. « Diviser pour mieux régner », ça existe depuis la nuit des temps. Ils ont essayé de créer une fracture, mais je ne crois pas qu’elle soit de l’ampleur de ce qu’on voudrait nous faire croire.

Je pense qu’elle a permis de révéler des solidarités aussi, des gens qui étaient très isolés jusque-là se sont retrouvés. Dans la difficulté on a besoin de se resserrer, de créer des liens plus forts.

Jusque-là je n’avais jamais refusé quoi que ce soit en termes de vaccination. Déjà, pour intégrer l’école d’infirmier on est obligé de faire toute une série de vaccins, et je les ai faits sans me poser de questions. Je ne m’étais jamais considéré comme un cobaye, mais là je n’ai pas compris. Alors qu’à la TV on nous parlait de pandémie, dans le pavillon d’urgences où je travaillais je n’ai pas vu l’épidémie. Je n’ai pas envie de me faire injecter ce produit, il n’y a aucun recul. Si dans 5 ans, dans 10 ans on apprend qu’on nous a mis un poison dans le corps, ce sera trop tard, on ne pourra plus le retirer. On ne m’a pas considéré pendant des années et aujourd’hui je devrais dire « Amen » à des personnes qui ne sont pas du tout dans l’échange, qui ne sont pas du tout dans le bien-être et l’empathie !

On nous a beaucoup menti, sur plein de choses, en particulier sur les protocoles. Pour détecter les cas il y a des protocoles complètement aberrants et à un moment tout le monde pouvait être cas Covid ! C’était n’importe quoi.

Pourquoi nous mentir ? Pourquoi ? Je n’ai pas compris et jusqu’à ce jour je ne comprends toujours pas. Et puis j’ai vu toute l’industrie qu’il y a derrière ! Il y a trop de conflits d’intérêts, tout est industrie, commerce, il n’y a plus de sens dans la politique.

Avant d’être infirmier, j’ai été quelques années aide-soignant en maison de retraite et j’ai vu de quelle manière on traite nos personnes âgées en France. C’est totalement hypocrite de dire qu’on voulait les soigner et les sauver alors que depuis des années des gens meurent dans l’indifférence la plus totale. Je n’ai pas compris cette discordance entre le discours et le réel. Je ne comprends pas et je ne suis pas sûr que je comprendrai plus tard… Je vis avec cette incompréhension.

On est dans une surréalité, on est devenu des produits. Montrer un QRCODE pour pouvoir prétendre à faire telle ou telle activité ! On est en train de tuer la pensée, les gens qui pensent, qui remettent en cause ce qui est dit ou fait n’ont plus de place.

Je n’ai qu’une vie, je n’ai nulle envie de la subir, j’ai envie d’en être l’acteur.

Témoignage recueilli en février 2022

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Et Après,

J’ai négocié une rupture conventionnelle avec mon employeur en juin 2022. Je suis parti faire le chemin de Compostelle (sans aucune éducation religieuse), j’ai marché pendant 50 jours et parcouru 1000 km pour arriver au phare de Fisterra (fin de la Terre en Galicien).

J’ai eu le besoin de marcher, de prendre de la distance, de retrouver du calme dans mon esprit et dans mon corps. Oui, car la maladie me guettait, celle qui a du mal à se dire.

J’ai dû chercher au fond de moi de nouveaux repères, de nouveaux paradigmes. Trouver de la foi en quelque chose, un nouveau projet. Comment m’impliquer à nouveau quelque part ? Où pourrais-je me donner à nouveau de la valeur, moi qui n’existais plus nulle part ?

J’ai donc vendu ma maison, fait du tri dans mes affaires pour pouvoir voyager le plus légèrement possible. A mesure que je me séparais d’affaires, je m’ancrais dans des choix fort pour vivre le plus légèrement possible.

Je vis aujourd’hui dans un studio, dans une ferme au bord du Lot. Un cadre que je n’ai jamais eu auparavant. Une petite rivière coule dans la propriété et la vue est dégagée.

J’écris des chansons, j’apprends la musique et la guitare.

Au niveau professionnel je crée une société avec un ami, qui souhaite quitter son travail de commercial. Ce projet est vitalisant et nous ambitionnons d’avoir une portée d’action à l’échelon national.

J’avance à petit pas tous les jours. Sur un chemin que j’ai choisi. Et je sais que même si la montagne se révèle être de taille… derrière… il y a la mer.

Complément de témoignage recueilli en mars 2024

Après avoir fait le vide, Benjamin est aujourd'hui reparti sur un nouveau projet de vie.

Benjamin a écrit une chanson sur son expérience de suspension.